Le Bulletin de Médecin 5 / mai 2002

 [ On en parle ]
Qualifications : une directive européenne à l'étude

Une proposition de directive devrait être bientôt examinée par le parlement européen. Elle se substituerait à la directive 93/16 qui organise la reconnaissance des titres

1. Le nouveau projet de directive

La directive 93/16 actuellement en vigueur avait pour but de couvrir un grand nombre de diplômes de spécialités médicales et de reconnaître automatiquement la formation correspondante. Ainsi, les diplômes de spécialistes sont reconnus s'ils existent dans au moins deux pays membres. La reconnaissance est fondée sur un accord de formation minimale auquel doivent satisfaire tous les États membres.
Ce nouveau projet de directive, dont le prétexte est l'élargissement de l'Union prévu dans deux ans, part d'une idée tout à fait différente. Seuls seraient reconnus les diplômes des spécialités qui existent dans l'ensemble des pays membres tandis que les autres diplômes de spécialistes seraient soumis au système général et non plus sectoriel (voir encadré). La reconnaissance systématique ne serait donc possible que pour dix-sept spécialités. Tous les autres spécialistes qui désireraient migrer seraient soumis à un examen individuel et le pays d'accueil pourrait exiger des périodes de stages complémentaires, selon ses propres critères.
Ce projet de directive concernerait des spécialités courantes comme la dermatologie, la médecine du travail, la chirurgie maxillo-faciale, etc. Indiscutablement, ce type de directive nous entraîne vers un consumérisme que les autorités européennes affichent d'ailleurs de plus en plus clairement. Le Conseil national de l'Ordre des médecins est fermement décidé à défendre les intérêts des médecins.

2. Dispositions transitoires pour certaines qualifications

Concernant les qualifications n'existant pas dans tous les pays de l'Union, le médecin pourra voir son diplôme reconnu par les États membres s'il dispose d'une expérience professionnelle d'au moins trois ans. On peut s'interroger sur la pertinence de ce délai.

3. La prestation de service

La prestation de service est une procédure qui autorise un praticien à exercer dans un pays d'accueil, de façon ponctuelle, sans être inscrit auprès des organisations professionnelles correspondantes. Le projet de directive autorise une prestation de service de seize semaines. On peut également s'interroger sur la pertinence de ce délai dont il faudra bien évaluer les risques pour les professions non reconnues ou les thérapeutiques non éprouvées.

4. Distinctions dans l'exercice médical

Ce projet fait une distinction entre les médecins de base, les médecins généralistes et les médecins spécialistes. Mais comment définir une médecine de base ? S'agit-il des deux premiers cycles des études médicales avant le troisième cycle formateur ? S'agit-il d'un exercice particulier dans certains pays ?

5. Diplôme de pays tiers

Jusqu'à présent, la plupart des pays demandaient aux médecins titulaires d'un diplôme extraeuropéen de réussir une période probatoire ou de valider leurs acquis professionnels. Le projet de directive indique de façon très claire que si ces médecins sont autorisés à exercer dans un pays membre de l'Union pendant au moins trois ans, une autorisation ne pourra leur être refusée dans les autres pays de l'Union. Cette disposition pourrait entraîner la migration de médecins titulaires de diplômes de pays tiers qui sont aux frontières de l'Union.

Pierre Haehnel

Le système actuel

Aujourd'hui, la reconnaissance des qualifications professionnelles est assise sur trois systèmes différents :
a) Les directives sectorielles
Douze directives sectorielles s'occupant de sept professions réglementées (médecins, infirmières, dentistes, vétérinaires, sages-femmes, pharmaciens et architectes).
b) Les directives générales pour les professions commerciales.
c) Les directives horizontales qui régissent toutes les professions non réglementées. Dans ces professions, il n'y a ni reconnaissance automatique, ni exigence de formation minimale à niveau européen. Le pays d'accueil du professionnel est autorisé à demander une formation complémentaire s'il le juge nécessaire.