Le Quotidien de Médecin / 1er octobre 2001
Bernard Kouchner : il y a des marges de maneuvre dans les négociations
LE QUOTIDIEN
Les anesthésistes-réanimateurs ont fait grève vendredi. Ils jugent vos
propositions en matière de réduction du temps de travail insuffisantes.
D'autres syndicats de praticiens hospitaliers appellent à la grève vendredi
prochain. Comment réagissez-vous à ces mouvements ?
BERNARD KOUCHNER
Je regrette toutes ces formes de pression et surtout je
regrette cette grève de vendredi qui aurait pu être évitée si l'on avait
rendu compte de la dernière réunion de négociation que j'ai eue avec les
quatre syndicats de médecins hospitaliers. Je suis désolé que le site
Internet du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs
(SNPHAR) ne tienne pas assez compte des avancées de la dernière réunion. Je
tiens à vous dire que ces négociations se déroulent entre amis.
Bien sûr, c'est avec les quatre syndicats de médecins
hospitaliers (1) que je négocie ; mais je dis à mes amis anesthésistes et
urgentistes qu'il y a quelques principes de base que j'entends appliquer sans
ambiguïté pour la mise en euvre de la RTT et dont
je discute les modalités avec leurs représentants. Le premier c'est que, si je
pense légitime d'intégrer les gardes dans le temps de travail, comme le prévoit
une directive européenne, il est bien évident pour moi que le travail de nuit
n'est pas équivalent à celui de jour. Nous allons négocier le moyen de tenir
compte de cette différence.
Oui, cela pourra s'accompagner d'un bonus. C'est avec les
syndicats que je vais négocier cela.
Nous en sommes déjà à quinze jours de RTT
et je vais continuer à discuter des progrès possibles avec les syndicats,
comme cela a d'ailleurs été fait, dans un très bon climat, la semaine dernière.
L'indemnité d'exercice exclusif en secteur public ne sera pas
supprimée. Jamais. Non seulement elle ne sera pas supprimée, mais nous
discuterons d'améliorations possibles. C'est mon deuxième principe. Le troisième
principe, c'est que le volume de 48 heures hebdomadaires de travail prévu dans
la circulaire européenne constitue une limite supérieure mais pas du tout une
norme applicable à tous les praticiens hospitaliers : ils ne peuvent pas faire
plus de 48 heures, sauf situation exceptionnelle, mais ils peuvent faire moins.
Et tous ne seront pas logés à la même enseigne ; car c'est vrai qu'il y a des
disciplines différentes et donc des activités différentes. Cela ne présage
donc pas des modalités de calcul du temps de travail dont je suis en train de
parler avec les représentations syndicales. Voilà mes trois principes. Les
anesthésistes-réanimateurs doivent les connaître, afin d'éviter les
malentendus qui sont dommageables pour les malades et pour le service
hospitalier.
Bien sûr, il y a une marge de maneuvre. Toute négociation est
une recherche de compromis. Nous commençons à peine la discussion. Si le
souhait des syndicats, c'est de faire pression sur le ministre ou sur les
pouvoirs publics en déclenchant à chaque fois une grève dommageable pour les
malades et pour les services, je pense que cela n'est pas la bonne méthode.
Les discussions ne font que commencer. Elles seront longues car la difficulté
est grande : les praticiens hospitaliers sont des gens qui n'ont pas demandé la
RTT, qui travaillent énormément et qui
travaillent de façon différente, selon les spécialités. Je ne veux pas préjuger
de l'issue des négociations. Mais enfin, la réduction du temps de travail pour
les PH c'est du temps libre : ce sera déjà, en l'état actuel des négociations,
une semaine tous les trois à quatre mois ou six mois à un an sabbatique tous
les cinq à sept ans. Je suis sûr que nous parviendrons à alléger le temps de
travail et à faire profiter de cela les PH mais les malades aussi. Nous n'altèrerons
pas la qualité des soins qui, comme on l'a vu à Toulouse, allie ceur et
excellence. Rien ne dégradera le fonctionnement de l'hôpital à partir du 1er
janvier 2002 parce que rien ne s'appliquera comme un couperet à ce moment-là.
Il y aura simplement le « compte épargne temps » qui permettra aux médecins
de gagner des jours pour les années qui viennent. Mais l'organisation des
services ne sera pas perturbée, bien au contraire, puisque dès 2002 nous créerons
des postes en nombre très
significatif.
Propos recueillis par
Bruno KELLER
(1) Les négociations sont menées avec la Coordination des médecins
hospitaliers, la Confédération des hôpitaux généraux, le Syndicat national
des médecins des hôpitaux publics et l'Intersyndicat national des praticiens
hospitaliers auquel adhère le SNPHAR