Médecins et élargissement de l'Europe
Ile-de-France : calme et sérénité
Le Quotidien du Médecin
du : 27/04/2004
L'ELARGISSEMENT de l'Union européenne à dix nouveaux
membres entraînera-t-il l'arrivée de médecins polonais, lituaniens,
chypriotes, tchèques ou hongrois en Ile-de-France ? Une étude
commandée en 2002 par la Direction générale de la santé (DGS) auprès
des ambassades de Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie,
Lituanie, Lettonie, Estonie, Chypre et Malte balayait les premiers doutes.
Elle prévoyait « de très faibles flux vers la France de
professionnels de santé en provenance de ces pays ». Les médecins
d'Ile-de-France ne s'inquiètent guère, eux non plus, d'une éventuelle
arrivée de praticiens des nouveaux pays de la Communauté européenne. « Qu'un
Lituanien installe son cabinet en face du mien, cela ne me fait pas spécialement
peur », glisse Eric Wilmouth, généraliste à Eaubonne
(Val-d'Oise). Non, les médecins ne redoutent pas que l'on piétine leurs
plates-bandes. Mais devant l'inégalité des formations de certains pays
de l'Est, ils demandent aux autorités de veiller à la qualité de la
formation des professionnels de santé des pays concernés. Le reproche
essentiel, résumé par une généraliste de Créteil (Val-de-Marne), est
qu'« aucun de ces pays ne connaît le sens du mot numerus
clausus ». Il est hors de question, selon elle, d'envisager
de combler la pénurie de certaines disciplines en faisant appel aux médecins
de l'Union européenne : « La solution est de former
davantage de spécialistes en France. » Le Dr Eric Borotto,
jeune gastro-entérologue à Clamart (Hauts-de-Seine), estime peu probable
que les candidats des pays d'Europe de l'Est répondent en masse aux critères
de sélection très stricts de sa spécialité. « Une
qualification de gastro-entérologue au niveau européen exige d'avoir
pratiqué un nombre important d'actes spécifiques : coloscopies,
fibroscopies, échographies, cathétérismes... »
Pas de bouleversements attendus.
Si les médecins des dix nouveaux membres venaient à être
tentés par une expérience française, porteraient-ils préjudice aux 3 000 praticiens
à diplôme hors européen d'Ile-de-France ?
Le Dr Hani-Jean Tawil, délégué général de la Fédération des
praticiens de santé (FPS), ne s'attend pas à de profonds bouleversements
démographiques. « Actuellement, à peu près autant de médecins
européens exercent en France que de médecins français s'exilent en
Europe - un peu moins de 3 000 », explique-t-il. Pour
le chirurgien du centre hospitalier d'Orsay, ouvrir la porte aux
praticiens des dix nouveaux pays membres de l'UE sans connaître leur degré
de qualification pose une nouvelle fois le problème de la reconnaissance
des médecins à diplôme hors européen. « Après avoir effectué
des stages, validé des diplômes et rendu service à la France, ils ne
sont toujours pas reconnus comme des spécialistes. C'est anormal. »
> CHRISTOPHE GATTUSO