Le Quotidien du Médecin du : 24/11/2004

Intégration des médecins étrangers

3 800 candidats, 200 postes

L'organisation de la nouvelle procédure de recrutement des médecins diplômés hors d'Europe se heurte au problème de la régularisation de quelque 3 000 praticiens étrangers déjà en activité, souvent illégalement, dans les hôpitaux français.

L'HIVER PROCHAIN, une « nouvelle procédure de recrutement » des médecins diplômés hors de l'Union européenne va voir le jour. La première édition de ce concours classant organisé par spécialité se déroulera entre le 28 février et le 13 mars. D'après le ministère de la Santé, 3 800 personnes sont candidates aux 200 places offertes. Un chiffre énorme.
Pourquoi tant de postulants à un concours initialement conçu pour valider les compétences de nouveaux arrivants ? Parce que, depuis plusieurs années que se tarissent un à un les moyens d'intégration dans le système de soins des médecins diplômés hors de l'Union européenne - en particulier, les épreuves nationales d'aptitude à la fonction de praticien adjoint contractuel (PAC) n'existent plus depuis 2002 -, les rangs des praticiens étrangers exerçant dans les hôpitaux sous des statuts précaires et sans possibilité d'amélioration continuent de s'étoffer. La faute, en grande partie, à la lenteur d'élaboration de la réglementation française.
Car la loi prévoyant un nouveau dispositif de régularisation des médecins étrangers remonte à l'été 1999. Interdisant en théorie toute nouvelle arrivée dans les hôpitaux français, elle a dans les faits - parce que la machinerie qu'elle prévoyait a mis près de six ans à se construire - laissé se constituer un important « stock » (c'est le mot qu'emploient le ministère de la Santé et les médecins à diplôme étranger eux-mêmes) dans les hôpitaux : au millier de médecins déjà présents avant l'été 1999 mais qui n'avaient pas réussi à s'intégrer dans le système français en empruntant le circuit préexistant (1) se sont ajoutés, la plupart du temps illégalement, 2 000 « nouveaux arrivants ».

Au compte-gouttes.
Au total, ils sont donc autour de 3 000 praticiens candidats à une intégration qui, si elle se poursuit au rythme pour l'instant prévu, se fera au compte-gouttes - il s'agit, explique le ministère de la Santé, de montrer au monde qu'il est difficile d'exercer la médecine en France. Et certains d'entre les postulants, eu égard à la nature de leurs diplômes ou à leurs états de service dans les hôpitaux français, ne voient pas pourquoi ils seraient logés à la même enseigne que les candidats tout frais débarqués de leurs pays d'origine.
Au ministère de la Santé, le message est bien reçu. Et il est reçu d'abord parce que les autorités ont arrêté de se voiler la face : « L'idée que (les médecins à diplôme étranger) vont retourner dans leur pays (après être venus exercer en France) est complètement psychotique », a admis Hervé Brunelle, conseiller technique de Philippe Douste-Blazy pour ces questions, à l'occasion du congrès annuel de la FPS (Fédération des praticiens de santé, ex-Snpac). Sur cette base, les pouvoirs publics paraissent décidés à mettre en place un dispositif d'intégration solide : « Ce n'est pas une rustine de plus. Il faut un système de recrutement qui soit pérenne », a insisté Hervé Brunelle.
Le sujet de la prise en compte des spécificités des uns et des autres reste toutefois délicat. Le cas des DIS (ils sont autour de 350, titulaires d'un diplôme interuniversitaire de spécialisation) est à cet égard emblématique. Difficile de trouver une « solution cohérente » à leurs revendications d'intégration « à part » quand, explique-t-on au ministère, leur histoire relève du « je t'aime, moi non plus ». « Tout le monde fait semblant de ne pas regarder le contrat de mariage, a fait valoir Hervé Brunelle à des troupes très remontées lors du congrès de la FPS, mais vous vous êtes engagés par écrit à ne pas exercer la médecine en France. Il y a dans cette affaire une ambiguïté terrible des deux parties. » De la même façon, la situation des médecins dont les compétences ont été validées par un Csct (certificat de synthèse clinique et thérapeutique) mais qui, pour des raisons administratives, n'ont pas été qualifiés, est problématique. Près de 200 médecins sont concernés à qui Hervé Brunelle s'est gardé de promettre la lune : « Il n'y a pas de base juridique au Csct, c'est un examen local. »
Aux uns et aux autres, la porte n'est pas, cependant, totalement fermée. Pour le conseiller du ministre, « il va falloir un jour ou l'autre régler le problème de ce stock. Mais pour cela, il faudra que l'on puisse en apprécier la qualité. »

> KARINE PIGANEAU

(1) Ces praticiens n'ont pas pu, pour des raisons administratives ou parce qu'ils ont échoué aux épreuves, devenir PAC ou obtenir l'autorisation d'exercer la médecine générale via le Csct.

La grève n'est plus à l'ordre du jour

La Fédération des praticiens de santé (FPS) considère qu'elle a obtenu du ministère « des avancées significatives », applicables en 2006, sur le dossier de la nouvelle procédure de recrutement des médecins diplômés hors d'Europe. Elle a donc suspendu le mouvement de grève auquel elle avait appelé les médecins à diplôme extra-européen et qui devait débuter le 16 novembre. Parmi les « avancées » : la possibilité pour les candidats au nouveau concours de se présenter non plus deux mais quatre fois aux épreuves ; l'ouverture du concours à toutes les spécialités ; l'adaptation du nombre de places ouvertes à la situation des médecins déjà présents dans les hôpitaux ; la prise en compte du circuit personnel (service rendu, titres et travaux...) des candidats.