L'Editorial du 26 avril 2001 - Diplômes «
bonux » ? Corvéables à merci !
Il ne suffit pas
toujours d’avoir fait la fac de médecine et prêté le serment d’Hippocrate
pour exercer normalement son métier. Selon les pays la législation impose un
certain nombre de règles dont les origines se perdent parfois dans les
brouillards de l’Histoire. En France par exemple, trois conditions sont exigées
au médecin prétendant à l’exercice : avoir la nationalité française
ou être ressortissant d’un état membre de l’Union européenne, avoir un
diplôme français ou estampillé UE et avoir son inscription au tableau de l’Ordre
après avoir prêté serment. Contourner cette règle gauloise est un véritable
parcours du combattant semé d’embûches, injustices et discrimination.
La voie la plus
récente est celle ouverte par Simone Veil en 1995 afin de régulariser le
statut des médecins étrangers de plus en plus nombreux à exercer dans les hôpitaux
français, non seulement dans des conditions souvent médiocres dues à la précarité
et aux bas salaires, mais aussi en dehors de tout cadre légal. L’article 3 de
la loi du 4 février de cette année là donnait ainsi naissance au « fameux »
et fragile PAC. Quatre ans plus tard l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999
instituant l’indispensable Couverture Médicale Universelle a abrogé d’un
coup de baguette textuelle les dispositions précédentes. Conséquence :
les dernières épreuves nationales d’aptitude des « Praticiens Adjoints
Contractuels » seront organisées, sauf changement, avant le 31 décembre
2001.
La voie la plus
ancienne est celle de l’« autorisation individuelle d’exercer la médecine
en France » destiné aux médecins ne répondant pas à la triple
condition précitée. Instituée par une loi de juillet 1972 plusieurs fois
remaniée depuis elle prévoit un nombre limité d’autorisations annuelles
soumises à des quotas fixés par arrêté du Ministère de la santé. Pour mémoire,
après avoir subi des épreuves écrites et orales et le jugement des
commissions ad hoc, il était autorisé à exercer en s’inscrivant au
tableau de l’Ordre mais uniquement en tant que généraliste. Pour exercer sa
spécialité c’était une autre paire de manches. En tout cas l’arrivée de
la CMU a aussi balayé ce labyrinthe légal.
A partir du 1er
janvier 2002 d’autres voies seront disponibles pour les médecins à diplôme
étranger. Elles ne sont pas pour autant moins sinueuses et le « péage »
reste élevé. Aujourd’hui plus de 8.000 MDE exercent en France et certains
ont réussi à avoir un traitement équitable en fonction de leurs compétences.
Pour beaucoup d’entre eux néanmoins la régularisation sera un vrai casse tête,
alors que le numerus clausus reste bloqué et la pénurie de certains spécialistes dans
les hôpitaux est de plus en plus criante.
Dr.
Marco Dutra
Rédacteur
en chef
«
La régularisation ne se justifie plus »
Depuis
1995, les médecins à diplôme étranger ont la possibilité de
devenir PAC, praticien adjoint contractuel 1 : cette voie concerne les
médecins étrangers qui avaient déjà une pratique hospitalière dans les hôpitaux
publics. D’autre part, les médecins étrangers peuvent bénéficier d’une
autorisation individuelle d’exercer qui date de la loi de 1972. C’est
l’article L 41-11-1 du code de sécurité sociale, ancien article L.356 du
code de la santé. Le candidat passe devant une commission ad
hoc, à condition d’avoir obtenu le CSCT [épreuves écrites et orales].
Cette commission émane du ministère et accorde les autorisations en fonction
de quotas établis par le ministère et en fonction des besoins et du nombre de
dossiers. Plus récemment, l’article 60 de la loi sur la CMU de juillet 1999
permet d’accorder une autorisation individuelle d’exercer qui permet en
dehors de tout quotas de nommer des médecins à diplôme étranger qui peuvent
par la suite travailler en libéral.
Avec
ces lois, il s’agissait de régulariser la situation de beaucoup de médecins
travaillant dans les hôpitaux. Depuis l’adoption de la loi du 27 juillet 1999
sur la CMU, les hôpitaux ne peuvent plus recruter des médecins à
diplôme étranger. Il n’y a donc plus besoin de les régulariser. En
principe, les médecins étrangers vont pouvoir venir se perfectionner en
France, dans le cadre de leur formation. Vont-ils retourner dans leur pays ?
C’est un autre problème. Si le statut de PAC a permis de régulariser la
situation des médecins à diplôme étranger, c’est une chose. Mais si tous
les MDE ont été régularisés, la régularisation ne se justifie plus. Toutes
ces dispositions ont été prises dans ce but et c’est normal : on avait
fait venir à l’époque des médecins étrangers pour faire tourner les
services hospitaliers, sans statut. Certains d’entre eux étaient restés après
leurs études. Le statut de PAC a été une réponse partielle, peut-être
imparfaite, mais une réponse quand même à la situation de ces médecins.
L’Ordre
n’a aucune inquiétude à ce sujet. Tous les médecins ont été enregistrés
au tableau de l’Ordre. Ils sont assimilés aux médecins, comme les autres. Il
peut y avoir des problèmes avec leur qualification. Certains travaillent dans
des services, sans être reconnus comme spécialistes. C’est un problème car
ils travaillent dans les hôpitaux depuis 4 ou 5 ans et effectuent des actes de
spécialistes. Mais ils ont parfois échoué à leur qualification et
certains ne comprennent pas. Le taux de réussite des médecins étrangers est
équivalent à celui des médecins non étrangers.
Vous connaissez les griefs qui ont été portés à
l’encontre des commissions de qualification…
Les
commissions de qualification sont des commissions qui ne sont pas ordinales mais
dont nous assumons seulement l’administration. Elles sont présidées et dirigées
par des universitaires qui accordent ou non les qualifications. On ne peut pas
imaginer que ces médecins ne passent pas en commission pour obtenir ces
qualifications.
On
vérifie la qualification initiale, l’exercice individuel. Il est vrai que
quelques commissions ont posé des difficultés comme celle de la radiologie. Il
y avait des difficultés de compréhension du mécanisme de la qualification, du
côté de la commission. J’espère que ça n’a plus cours. Je n’ai plus reçu
de plaintes.
Je
ne sais pas. Rien n’est prévu, il y a un véritable vide juridique. On ne
sait pas très bien quel sera leur avenir. Je n’ai pas d’idées là-dessus.
Il faudra aussi tenir compte de ceux qui restent après leur formation. Mais
vous n’avez pas évoqué la situation des médecins étrangers
intra-communautaire : pour eux, il n’y a aucun problème, aucune
difficulté pour exercer en France. Mais un médecin régularisé en France ne
pourra migrer en Allemagne par exemple. L’Union européenne devra se pencher là-dessus.
Propos recueillis par Céline
Bergès
1
article 3 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995, aujourd’hui abrogée par la
loi sur la CMU de juillet 1999.
Statut des MDE : entre archaïsmes historiques
et xénophobie
Comme chacun le
sait, pour être médecin en France, il faut pouvoir satisfaire à une triple
condition : être de nationalité française, avoir un diplôme français
et s’inscrire à l’Ordre des médecins après avoir prêté serment. Les médecins
étrangers, mais aussi les médecins français qu’ils soient naturalisés
et/ou qu’ils aient obtenu leur diplôme à l’étranger, se voient ainsi dans
l’obligation de franchir une série d’obstacles pour exercer leur métier en
France. Bien que des conditions législatives récentes aient confirmé ces
dispositions - tout en y amenant un certain nombre d’aménagement
permettant à des médecins étrangers de travailler dans certaines conditions -
ces mesures sont les fossiles des périodes les plus sombres de l’histoire
française.
C’est en 1892
que les médecins obtiennent les premières limitations à l’accès à leur
profession, emboîtant le pas aux avocats qui obtinrent dès 1810 un décret
pour protéger l’accès de leur métier des candidats étrangers. Les médecins
qui ne disposent pas de diplômes français se voient interdire l’accès à la
profession, tout comme les dentistes et les sages-femmes d’ailleurs. Le
système des équivalences devient en outre caduque.
Dans les années
30, alors que la montée de la xénophobie en France se confirme, l’accès à
l’exercice de la médecine se restreint encore pour les étrangers. Groupe
social bien représenté dans la vie politique de la IIIème République,
disposant de groupes de pression efficaces, les médecins mettent en avant
« l’intérêt du public » ou encore en 1931 la nécessité
d’être « capable de comprendre les finesses et les délicatesses de
notre race, capable aussi de les assimiler » pour justifier leurs
demandes. Les médecins d’alors insistent sur le coût de l’enseignement
prodigué aux étudiants étrangers, la plupart d’origine roumaine, russe ou
polonaise : en 1930, sur les 26 200 médecins, 750 n’ont pas la
nationalité française et 3870 étudiants en médecine sont étrangers !
Face à des chiffres aussi faibles, on mesure combien la thèse de « l’envahissement »
ne peut être qu’un prétexte. Le 21 avril 1933, le lobby des médecins
français obtient pourtant gain de cause. La loi Armbruster est votée :
non seulement les médecins doivent disposer d’un diplôme français mais ils
doivent aussi posséder la nationalité française.
Terreau
fertile
La crise
économique qui sévit dans le pays fournit un terreau fertile aux idées xénophobes.
Le 10 janvier 1935, René Demange, député, dépose une proposition de loi révélatrice
de l’état d’esprit d’alors : il propose l’interdiction de la médecine
aux personnes naturalisées françaises pendant dix années après leur
naturalisation. Pour le rapporteur Louis Rolland, le médecin « doit être
adapté au milieu dans lequel il exerce ». Cette interdiction
d’exercer pour les naturalisés est un service qu’on leur rend puisqu’elle
les aide « à se pénétrer davantage de l’esprit et du tempérament
national ». Outre une incapacité d’exercice pour les naturalisés,
la loi du 26 juillet 1935 et le gouvernement Laval vont encore plus loin en
instituant les « quatre piliers d’incorporation des étrangers à la
profession médicale » : avoir accompli son service militaire ;
en cas de réforme du service, attendre durant une période égale au service
avant d’exercer, en cas d’exemption du service en raison de l’âge, le
temps d’attente est double ; délai de cinq ans pour postuler dans la
fonction publique médicale à compter de la naturalisation.
Le régime de
Vichy renforce cette tendance : la loi du 16 août 1940 réserve aux
citoyens nés de père français l’accès aux professions médicales.
L’ordonnance de 1944 rétablit la légalité républicaine. Le décret de 1951
marque une ouverture du corps médical face aux étrangers : l’équivalence
des titres est à nouveau admise pour l’inscription au diplôme de docteur
d’une université française mais elle ne l’est pas pour l’inscription au
diplôme d’Etat. Parallèlement, les dispositions pour exclure les médecins
étrangers de la profession perdurent.
La persistance
de ces archaïsmes sont d’autant plus surprenants que la position de l’Ordre
est relativement ouverte sur ce sujet. S’il se montre très attaché à la
condition du diplôme français, gage selon lui de qualité et d’égalité de
traitement, le Conseil de l’Ordre ne défend pas la condition de nationalité.
Si l’on en croit le rapport du cabinet Bernard Bruhnes Consultants, Les
emplois du secteur privé fermés aux étrangers , rapport établi
pour la Direction des Populations et des Migrations du Ministère de l'Emploi et
de la Solidarité en novembre 1999, « les représentants
professionnels ne semblent pas particulièrement attachés au maintien de la
condition de nationalité (…) C’est le cas, en particulier du Conseil de
l’Ordre des médecins. Rien ne justifie aujourd’hui, selon son président,
une telle restriction si ce n’est des raisons d’ordre historique ou idéologique.
Au contraire, il est choquant qu’un médecin étranger titulaire d’un diplôme
français ne puisse pas automatiquement exercer en France. » On se
demande alors où réside le blocage.
Sources
Immigration,
emploi et chômage. Un
état des lieux empirique et théorique. Les dossiers de CERC-Association n°3,
1999. ISSN 1280-0341
Les
emplois du secteur privé fermés aux étrangers. Rapport
final, novembre 1999. Bernard Brunhes Consultants. Yves Chassard, Véronique
Singer, Natacha Bletry, Tatiana Sachs . Ministère de l’emploi et
de la solidarité. Direction de la population et des migrations.
La discrimination au cœur de l’exercice médical
Le 20 avril
dernier, Elisabeth Guigou organisait une table ronde sur les discriminations
organisées, autrement dit sur les emplois fermés aux ressortissants
extra-communautaires. Les professions médicales étaient à l’ordre du jour.
L’occasion de faire le point sur le type de discrimination que subissent les médecins
à diplôme étranger (MDE).
Pour le
collectif d’associations de défense des droits des étrangers et de syndicats
qui s’élève contre ces emplois fermés, dans le public comme dans le privé,
il n’y a pas de doutes à avoir : « des gens à diplôme
étranger se voient interdire la profession de médecin à titre libéral ou même
salarié et dans le même temps on considère qu’ils peuvent exercer dans des
conditions précaires. Il y a deux solutions : ou les médecins
à diplôme étranger ont des diplômes ‘bonux’ et donc ils ne peuvent pas
exercer la médecine en France. Ou bien on reconnaît qu’ils sont médecins et
dans ce cas ils ont les mêmes droits que tout le monde. Une personne qui fait
les gardes de nuit, qui fait le même boulot que son collègue mais n’a pas
les mêmes perspectives de carrière ni un salaire égal : c’est de la
discrimination » explique Antoine Math, le représentant du GISTI, le
Groupe d’information et de soutien des immigrés, membre du collectif.
« Au nom de quoi on a accepté de leur confier cette responsabilité
sans leur reconnaître la possibilité d'exercer en tant que telle. Il y a
un paradoxe entre l’utilité et la reconnaissance de ces personnes dans le
cadre d’exercice de cette profession. Ils font l’objet d’une
discrimination » renchérit Mouloud Aoulit du Mouvement contre le
racisme et pour l’amitié des peuples (MRAP), association membre du même
collectif.
Position
incohérente
« Paradoxale,
infondée, injuste » selon ce dernier, la situation des médecins à
diplôme étranger est pour le moins surprenante et révèle l’incohérence de
la position du gouvernement. Alors que d’un côté Elisabeth Guigou affiche sa
volonté de lutter contre les discriminations, de l’autre les textes de loi légalisent
la différence de traitement qui provoque des situations intolérables. Et
Antoine Math de présenter le cas d’un étranger extra-communautaire, étudiant
la médecine en France. Celui-ci passe avec succès le DIS, diplôme de spécialisation
pour les étrangers. Entre temps, il rencontre une femme – française – avec
qui il se marie et a un enfant. Une histoire somme toute banale si ce n’est
que cette personne ne peut exercer son métier en France, son diplôme étant
tout point identique aux diplômes français, mais délivré à des étrangers !
« Ces gens-là qui ont tout appris en France, fait leurs stages et passé
leurs examens en France, quand bien même ils deviennent Français entre temps,
ne peuvent exercer la médecine en France » regrette-t-il. « Il
ne faut pas être hypocrite, il faut mettre les choses sur la place si on veut
s’engager contre le racisme et la discrimination. Il est indispensable qu’on
mette tout sur la table si on veut donner un sens à la lutte politique de la
mise en acte contre le racisme qu’est la discrimination » rappelle
Mouloud Aoulit.
Les problèmes
à mettre sur la table ne manquent pas concernant les MDE. Et notamment
concernant les salaires. Si l’AP-HP précise que « d’après la
circulaire DH/PM n°98-410 du 6 juillet 1998 relative aux gardes et astreintes
des praticiens adjoints contractuels, ils [les PAC] possèdent la plénitude
d’exercice aussi bien dans les établissements publics de santé que dans les
établissements privés participant au service public hospitalier et peuvent
donc participer à la garde ‘senior’. Ils sont donc rémunérés comme les médecins
français », tout ne semble pas aussi simple.
Mohamed Ettahiri
du Comité des médecins à diplôme étranger, rappelle à ce propos que
« le salaire des PAC n’atteint pas le premier échelon de PH. Il est
inférieur de 45 % alors que le travail effectué est le même. Pour les
assistants associés ou les attachés associés, les gardes sont payées 1250 F
au lieu de 1520 F ». Propos confirmé par Hani-Jean Tawil, président
du SNPAC : « ils ont les mêmes fonctions et les mêmes
responsabilités que les spécialistes mais sont payés 40 % de moins ».
« Mon salaire est ‘garde-dépendant’ comme nous l’appelons compte
tenu que les gardes représentent 50 % de ce que je gagne » estime
Elvira Bogossian, anesthésiste. « Un médecin spécialiste attaché
est payé à la vacation : 270 F brut. Ils ont la possibilité de faire 11
vacations par semaine. A travers cette précarisation, cet étranglement, les médecins
étrangers sont obligés de se replier sur les gardes, aujourd’hui à 1200 F
brut. Nous, nous voulons l’égalité : 1520 F » martèle Amine
Benyamina, porte-parole du Syndicat Médical Plus.
Le statut de PAC
reste précaire. « Contrat administratif précisant la nature des
fonctions occupées ainsi que les obligations de services » selon
l’AP-HP, le PAC est un contrat de trois ans, renouvelable. « Le
statut de PAC me donne la possibilité d’exercer dans le libéral mais
seulement la médecine généraliste. ce qui est paradoxal car je suis
anesthésiste, pas médecin généraliste. A partir du moment où on me remercie à
l’hôpital, je pourrais aller dans le libéral » souligne Elvira
Bogossian. Même spécialisés et reconnus comme tels, les MDE ne peuvent en
effet exercer cette spécialisation dans le privé.
Pommes
de discorde
Les spécialisations
justement sont une autre pomme de discorde (voir l'interview
de Pierre Haenel). Pour le SNPAC, le rôle des commissions qui accordent la
spécialisation aux MDE est contestable : « les règles
d’attribution de la qualification changent tout le temps, selon les
commissions. La commission des radiologues a déclaré dans un premier
temps qu’elle ne voulait pas donner la qualification comme radiologue parce
que les candidats n'étaient pas praticiens hospitaliers. Ils sont devenus PH et
les jurys n’ont toujours pas voulu accorder la qualification. Ce type de décision
est une remise en cause de la décision du jury de PH. On veut un cadre fixe
pour ces gens-là car, sinon les critères changent. » Elvira
Bogossian, elle, estime avoir de la chance parce qu’elle fait « partie
des rares personnes à avoir obtenu la qualification. Depuis 12 ans, je
travaillais comme anesthésiste sans ma spécialisation soient officiellement
reconnue, même si depuis 96, je suis inscrite sur la liste d’aptitude à la
spécialisation ». « Il y a des spécialités qui jouent le
jeu, d’autres qui ont une position étanche, qui fonctionnent comme une
principauté au milieu de la médecine. » approuve Amine
Benyamina.
Bref, le statut
de PAC n’est pas de tout repos, d’autant plus que l’accès aux postes de
PH ne va pas de soi. Interrogée sur les moyens dont dispose les hôpitaux pour
appliquer le protocole signé le 13 mars 2000, l’AP-HP ne cache pas que
« en effet, pour le Ministère de la Santé, les PAC reçus au concours
de PH ont vocation à postuler sur les postes de PH vacants qui demeurent
nombreux en particulier en Province après chaque tour annuel de recrutement.
Ainsi en 2000, sur 3491 postes de PH publiés, seulement 1900 ont été pourvus.
Concernant la répartition de l’enveloppe pour la transformation des postes de
PAC en PH, il est probable que les CHU et l’Assistance Publique-Hôpitaux de
Paris en particulier ne soient pas considérés comme prioritaires compte tenu
d’un nombre d’emplois vacants inférieurs à la moyenne. »
Ce qui
n’augure rien de bon pour les PAC souhaitant devenir PH. Autre aberration, la
situation de ces chirurgiens ‘ancien régime’ qui bien qu’ayant passé
leur diplôme en France ne peuvent exercer dans les mêmes conditions que leurs
collègues : « j’enseigne, j’encadre, je transmets le
savoir-faire. Mais c’est un pseudo statut créé de toutes pièces tout en
utilisant les gens. J’opère tous les jours, je sauve des vies humaines. Mais
au niveau de mon statut, je suis inexistant. (…)Ce qui est inconcevable sur le
plan humain, c’est que ces hommes et ces femmes ont passé les meilleures années
de leur vie sur des sites les plus difficiles et ils ont toujours été là
quand on a eu besoin d’eux. » déplore l’un d’entre eux.
|
Que dire enfin
des MDE qui ne remplissent pas les conditions pour se présenter au PAC ou
qui auront échoué à leur examen ? Leur avenir est plus qu’incertain. Aucune
disposition n’étant prise pour le moment (voir Interview), ils se trouvent
dans un véritable cul-de-sac. Hani-Jean Tawil estime que 2500 MDE sans statuts
vont rester sur le carreau. Certains de leurs collègues sont aussi dans une
attente interminable. Un MDE, 30 ans, diplômé dans son pays en 98, ne répond
pas aux critères pour accéder au PAC et s’inquiète pour son avenir. Après
avoir passé avec succès le CSCT en 2000, il attend toujours une réponse,
positive ou négative, de la commission ad hoc du ministère.
Bien que ces compétences techniques aient été reconnues par l’obtention de
cet examen, il ne peut exercer, si ce n’est sous forme de stage non rémunéré
dans des services désertés. La réponse peut se faire attendre des années.
« On est des bouche-trous » déclare-t-il, « les hôpitaux
profitent de la situation et nous sommes sous-payés. Mais est-ce
que les syndicats s’intéressent aux jeunes MDE qui ne remplissent pas les
conditions pour passer le PAC ?».
De son côté, interrogé par Medhermes sur ces problèmes, le Ministère délégué
à la Santé a fait savoir qu’il ne « souhaite pas communiquer sur ce
sujet pour le moment ».
MDE
: un statut précaire, un avenir incertain
Depuis 1999,
l’article 60 de la loi du 27 juillet 1999 portant sur la CMU régit le statut
des PAC. Cette loi fait suite à la loi du 4 février 1995, au travers de
laquelle Simone Veil souhaitait régulariser la situation des Médecins à diplôme
étranger, travaillant en France, dans des conditions précaires, mal payés et
sans réel statut.
L’article 3 de
la loi de 1995 permettait donc à un MDE qui justifiait d’un exercice d’au
moins trois ans dans un établissement public ou privé participant au service
public, dont la valeur du diplôme avait été reconnue par le ministère
compétent, de se présenter à des épreuves nationales d’aptitude. S’il réussissait,
il était autorisé à exercer dans le cadre d’un contrat, sous l’autorité
d’un chef de service, dans un établissement désigné. Son inscription à
l’Ordre se faisait dans une catégorie spéciale : toute rupture de
contrat entraînait sa radiation de l’Ordre.
La loi de 1999
est venue apporter quelques améliorations, sans pour autant résoudre tous les
problèmes. Cette loi donne enfin un statut à ces étrangers, même s’il est
imparfait. Les conditions d’accès au PAC n’ont pas changé, mais les MDE reçus
au PAC sont désormais inscrits au tableau général de l’Ordre. Au bout de
trois ans d’exercice, ils peuvent obtenir une autorisation ministérielle hors
quota et s’inscrire au concours de praticien hospitalier. La loi fixe un délai,
2003, au-delà duquel les intéressés ne pourront plus bénéficier de ces
autorisations. L’article 60 de cette loi établit que les dernières épreuves
de PAC seront organisées cette année. Quant aux médecins étrangers non PAC
en poste depuis 6 ans, ils pourront solliciter, deux fois maximum, une
autorisation ministérielle individuelle hors quota.
L’autre
possibilité mais qui s’éteindra également cette année pour un médecin étranger
d’exercer en France, c’est d’avoir recours à la loi de 1972 (L4111-1 du
code de la santé) : celle-ci autorise le ministère à prévoir un certain
nombre d’autorisation d’exercer en fonction de quota, si la valeur
scientifique des diplômes des candidats est reconnue et s’il ont réussi
les épreuves orales et techniques du CSCT. Une fois reçus, ces médecins ne
peuvent exercer que la médecine générale, à moins qu’ils ne disposent
d’un diplôme étranger de spécialité et qu’ils passent devant des
commissions ordinales pour obtenir une qualification. Tenant compte de quotas,
cette autorisation administrative peut se faire attendre parfois des années après
avoir obtenu le CSCT.
L’article 60
de la loi du 27 juillet 99 fixe donc de nouvelles règles de jeu. Elle prévoit
notamment le cas des apatrides, des réfugiés, des bénéficiaires de l’asile
politique et des personnes françaises titulaires d’un diplôme étranger et
ayant regagné la France à la demande des autorités qui ne sont pas soumis à
ces conditions restrictives. Les médecins ressortissant de la Communauté européenne
ne sont pas et n’ont jamais été concernés par ces mesures : ils
peuvent s’installer librement en France même s’il faut mettre un bémol à
cette liberté de circulation intra-européenne, comme le souligne une Belge
exerçant en France : « il existe une équivalence des niveaux
d’études mais pas des niveaux intermédiaires d’études. Le concours
d’internat est accessible aux gens de la CE après trois ans de pratique médicale
c’est-à-dire après trois ans d’inscription à l’Ordre. On est intégré
dans le classement général mais on ne peut pas aller où on veut. Une ville
doit explicitement faire la demande d’un interne de la CE et elle doit en préciser
la spécialité de cet interne. L’Europe reste une grande idée qui fait rêver. »
La loi de la CMU
interdit aussi aux hôpitaux de recruter de nouveaux médecins titulaires de
diplômes étrangers. Le SNPAC s’en réjouit. Pour ce syndicat, cette
interdiction est synonyme de progrès : « les directeurs, les
ministres, les chefs de service, ont profité de ces gens-là. On va ne pas
recommencer avec de jeunes médecins étrangers qui arrivent. C’est
pourquoi on a demandé à ce que soit supprimé le statut d’associé. »
Pourtant à bien lire la loi et son article 60, on découvre que « les
établissements publics de santé ne peuvent plus recruter de nouveaux médecins
titulaires de diplômes, titres ou certificats délivrés dans les pays autres
que ceux faisant partie de la Communauté européenne (…) sauf s’ils
justifient avoir exercé des fonctions dans un établissement public de santé
avant la publication de la présente loi ». Ce qui ouvre dans les
faits un véritable boulevard pour embaucher des MDE dans les hôpitaux
puisqu’une seule journée de vacation suffit à détourner l’interdiction.
Amine Benyamina, porte-parole du SM Plus donne son interprétation :
« avec la loi de 99, ils ont démontré la nécessité d’intégrer
des MDE qui représentent une main d’œuvre intellectuelle présente,
disponible, bon marché. La loi laisse la possibilité d’être embauché avec
le statut d’associé. »
La fameuse loi
n'envisage pas tous les cas de figure car si elle prévoit qu’à partir du 1er janvier
2002, les MDE ayant réussi le CSCT et disposant de six années de fonctions
hospitalières pourront être autorisés à exercer hors quotas, le cas des
personnes ayant obtenu le CSCT sans avoir reçu de réponse de la commission
suscite encore des interrogations. Pour le porte-parole de SM Plus, « la
commission ad hoc est très en retard mais elle est obligée d’écluser tout
le monde. » Au-delà du 1er janvier 2002, nul ne sait
si d’autres portes seront ouvertes pour les médecins extra-communautaires. La
situation des jeunes MDE arrivés en France après la promulgation de la loi CMU
de 99 reste pour le moment problématique et s’ouvre sur un vide juridique,
comme le reconnaît Pierre Haenel, secrétaire général de l’Ordre (voir
Interview).
Mohamed Ettahiri
du Comité des médecins à diplôme étranger explique ce qui ce qui se passera
dans l’avenir : « à partir de 2002, si la France a besoin par
exemple de 100 anesthésistes, elle fera un appel d’offres. Elle organisera un
concours. Les 100 premiers classés vont venir en France pendant trois années
dans un hôpital et après ils pourront faire ce qu’ils veulent. S’ils
veulent rester à l’hôpital, ils doivent passer le concours de la fonction
publique ». Loi ou non, pour Amine Benyamina, l’avenir des MDE se résumera
à un rapport de force : « La démographie médicale est en crise.
On va vers une situation qu’à mon sens personne ne peut prévoir. Personne ne
peut s’aventurer à dire qu’on va s’en sortir en gardant le cap tel quel.
C’est une félicitée que les MDE soient là mais malgré ça, l’avenir
n’est pas dégagé. On veut le principe d’égalité et on n’acceptera pas
d’être intégré à n’importe quel prix. Nous voulons la disparition des
statuts discriminants qu’ils soient positifs ou négatifs. » Pour
l’Ordre en revanche, « ces questions n’ont pas à avoir
d’incidences sur l’estimation raisonnée du nombre d’étudiants en médecine
accueillis dans les UFR, reflet du nombre de médecins qui pourront être à même
de répondre aux besoins des populations en France… dix à quinze plus tard ! »1
Selon l’Ordre,
depuis 1996, 4127 PAC ont été autorisés à exercer en cette qualité. Alors
que 70 MDE en 1995 recevaient une autorisation d’exercer dans le cadre des
quotas, ils étaient 75 en 1996, 400 en 1997, 300 en 1998, 100 en 1999… En
outre, l’Ordre souligne que 3257 médecins ont été autorisés à exercer en
application de la loi CMU.
Pour aller
plus loin
SM
Plus : syndicat
des médecins à titre extra-communautaire. Sur ce site, vous trouverez les
coordonnées du Comité des médecins à diplôme étrangers, du SN-CACC, des
textes de lois, la commission pour l’égalité des droits de tous les médecins
exerçant en France…
SN-PAC : syndicat
des Praticiens adjoints contractuels.
MRAP : le mouvement
contre le racisme et pour l’amitié des peuples participe au collectif contre
les discriminations organisées.
GISTI : le
Groupe d’information et de soutien des immigrés participe aussi au collectif
contre les discriminations organisées. Dossier spécial sur les emplois fermés
aux étrangers.
Rapport du
Cabinet Bernard Bruhnes Consultants « Les
emplois du secteur privé fermés aux étrangers », pour la
Direction des Populations et des Migrations du Ministère de l'Emploi et de la
Solidarité, novembre 1999.
Rapport de
CERC-Association : immigration,
emploi et chômage. Un état des lieux empiriques et théoriques
1 Bulletin de l’Ordre des médecins, mars
2001