Les médecins à diplôme étranger en grève aujourd'hui

Les médecins, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes diplômés hors de l'Union européenne observent toute la journée, à l'appel du Syndicat national des praticiens adjoints contractuels (SNPAC), une grève des soins non urgents doublée d'une opération de « zèle électronique ». Ils réclament leur intégration pleine, entière et rapide dans le système de soins français.

Les quelque 10 000 médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes diplômés hors d'Europe et exerçant dans les hôpitaux français sont appelés aujourd'hui à ne pas assurer les soins non urgents entre 9 heures et 18 heures.

Cette journée « de sensibilisation et de mobilisation » est organisée par le Syndicat national des praticiens adjoints contractuels (SNPAC), qui revendique plus de 3 900 adhérents parmi ceux que l'on appelle aujourd'hui les « PADHUE » - pour « praticiens à diplôme hors Union européenne ». La matinée devrait être consacrée à des actions à l'intérieur des établissements. La distribution et l'affichage de tracts sont au programme, ainsi que la diffusion d'une « pétition de soutien ». Ce document est intitulé « Les médecins de nuit veulent voir le jour », en référence au fait que de nombreux médecins à diplôme étranger ont dû longtemps - et doivent encore, pour certains d'entre eux - accumuler les gardes nocturnes pour s'assurer un revenu décent. Les grévistes sont également invités à mener une opération de « zèle électronique » en inondant de fax ou d'e-mails le ministère de la Santé, les ARH (agences régionales de l'hospitalisation) ou les DRASS (directions régionales des Affaires sanitaires et sociales). Durant l'après-midi, les médecins à diplôme étranger doivent rencontrer leur directeur, le président de leur CME (commission médicale d'établissement) et leur directeur d'ARH.

Faire sauter les derniers blocages

Alors que, depuis 1995, des efforts successifs ont été faits par les gouvernements pour intégrer des médecins jusque-là exploités sous des statuts très précaires par le système hospitalier français, le SNPAC demande que tout soit maintenant soldé et que les derniers pas nécessaires à une reconnaissance pleine et entière de ces praticiens soient franchis. « Nous avons attendu quinze ans que les blocages sautent, que les mentalités évoluent, raconte le Dr Serdar Dalkilic, président du SNPAC, bien sûr, on peut imaginer que si on laisse encore passer dix ans, tout va se régler. Mais nous n'avons plus la patience d'attendre. Aujourd'hui, le principal motif de notre grève est de dire : arrêtons de traîner les pieds et intégrons ces gens qui, depuis quinze ans, ont fait tous les efforts possibles, ont accepté, parce qu'ils voulaient entrer dans le système par la grande porte, de passer tous les examens qui leur étaient demandés. »
Les voies d'intégration que réclame le SNPAC diffèrent selon les statuts que les médecins diplômés hors de l'Union ont acquis au fil des années. Pour ceux qui sont devenus praticiens hospitaliers (PH) - ils sont presque 2 000 -, la question à régler est celle de la transformation du poste qu'ils occupaient jusque-là en poste de PH : 800 d'entre eux ne l'ont pas obtenue et ne bénéficient donc ni des conditions de travail ni du salaire que devrait leur assurer leur nouveau statut. La même difficulté se retrouve pour les quelque 5 000 praticiens adjoints contractuels (PAC, statut acquis par le biais d'épreuves nationales d'aptitude), dont presque la moitié n'ont pas de postes et continuent, pour des salaires mensuels « inférieurs à 1 000 euros », selon le SNPAC, à travailler en tant qu'attachés ou assistants. Le SNPAC dénonce, en outre, des « irrégularités » dans l'accès des PAC au statut de PH (en 2001, l'organisation a déposé un recours auprès du Conseil d'Etat dans des spécialités comme la chirurgie orthopédique, la cardiologie, la pharmacie, etc.). La révision à la hausse des salaires des PAC est également demandée. « Nous trouvons scandaleux qu'un PAC au dernier échelon n'arrive même pas au premier échelon d'un PH », dénonce le Dr Dalkilic.
La situation des 2 000 médecins que le système laisse, à l'heure actuelle et pour de multiples raisons (date d'arrivée en France, nombre d'années d'exercice dans les hôpitaux français), sur le bord de la route préoccupe enfin le SNPAC qui réclame la parution des décrets d'application du nouveau système d'intégration prévu en 1999 par la loi créant la couverture maladie universelle (CMU).
Décidé de longue date, le mouvement d'aujourd'hui risque de prendre un relief particulier au cœur d'un « entre-deux-tours » de l'élection présidentielle où un candidat défend noir sur blanc la préférence nationale à l'hôpital, même si 90 % des médecins dits « à diplôme étranger » ont la nationalité française.

Karine PIGANEAU