Démographie : la France va miser sur le renfort des médecins
à diplôme étranger
En manque croissant de médecins, les hôpitaux n'auront bientôt
d'autre solution que de recourir aux médecins étrangers. Mais il n'y a plus de
système d'intégration pour les futurs entrants.
C'est un signe. Pour la première fois, depuis que se mènent des
missions sur l'état de la démographie médicale, l'équipe du Pr Yvon Berland,
diligentée par le ministre de la Santé (voir encadré), a consulté les représentants
des médecins à diplôme étranger.
La France, qui va manquer de médecins (elle en compte
actuellement 329 pour 100 000 habitants, il y en aura 250 en 2020), dont des régions
et des spécialités sont déjà sinistrées, où les hôpitaux ont du mal à
recruter et qui ne peut évidemment pas former des médecins du jour au
lendemain... n'aura pas vraiment le choix. Elle se tournera immanquablement vers
des médecins formés ailleurs, dans des contrées qui ont déjà fourni à son
système de santé quelque 16 000 bras (8 000 médecins en tout) depuis une
quinzaine d'années. Le SNPAC (Syndicat national des praticiens adjoints
contractuels, c'est-à-dire des médecins à diplôme extra-européen autorisés
à exercer dans les hôpitaux après avoir passé des épreuves nationales
d'aptitude), ne s'y trompe pas, qui organise demain, à l'occasion de son forum
annuel, un débat sur la place dans la démographie médicale française des médecins
diplômés hors de l'Union. Cette table ronde va être l'occasion de faire le
point sur la situation des 8 000 médecins déjà présents en France et sur les
résultats du système d'intégration mis en place en 1995.
Aujourd'hui, près de 2 000 médecins à diplôme étranger ont réussi à
devenir praticiens hospitaliers (PH), mais 450 seulement occupent un poste de PH
et bénéficient donc des avantages salariaux et statutaires qui y sont attachés
; 6 000 sont devenus PAC mais ils ne sont que 1 500 à avoir un poste de PAC ; 2
000 restent sur le carreau avec des statuts précaires d'associés. Le salaire
d'un PAC en fin de carrière est inférieur à celui d'un PH en début de carrière.
Les PAC ne sont toujours pas représentés au sein des commissions médicales d'établissement
(CME). Si du chemin a été parcouru depuis que ces médecins faisaient fonction
d'internes dans la plus grande illégalité, la plus grande opacité et pour des
salaires de misère, tout n'est donc pas réglé.
Et surtout, le dispositif d'intégration mis sur pied de manière transitoire en
1995 devant s'éteindre à la fin de l'année, l'histoire risque de se répéter
avec l'arrivée des futurs et indispensables obstétriciens, chirurgiens, anesthésistes,
pédiatres... Un nouveau mécanisme était bien à l'étude au ministère au
moment où Bernard Kouchner a fait ses cartons. On ne sait pas pour l'instant ce
que son successeur, Jean-François Mattei, compte en faire. « Il faut que
l'on donne à ces médecins des échéances et des perspectives claires, qu'on
ne les exploite plus. Il n'est pas question de recommencer ce qui a été fait
il y a dix ou quinze ans », met en garde le Dr Serdar Dalkilic,
président du SNPAC. Partisan de la franchise, il ajoute : « Le problème
doit être mis à plat, on doit s'interroger. A-t-on oui ou non besoin de médecins
étrangers ? La réponse me paraît être que oui, on en a besoin de temps en
temps. Alors il faut inventer une politique en conséquence. »
Karine PIGANEAU
Le rapport sur la démographie médicale confié au Pr Yvon Berland, doyen
de la faculté de médecine de Marseille, et celui de Rolande Ruellan,
conseiller-maître à la Cour des comptes et ancien directeur de la Sécurité
sociale, qui doit faire le point sur les relations entre l'Etat l'assurance-maladie,
ont pris, semble-t-il, un peu de retard.
Ils devaient en effet être remis au ministre de la Santé le 15 novembre,
c'est-à-dire aujourd'hui. Ils ne le seront pas en fait avant la fin du mois.
Les deux groupes de travail ont bénéficié d'un laps de temps supplémentaire
qui devrait leur permettre de rendre une copie plus complète et plus précise.