RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Cabinet du Ministre                                                   Le 21 juin 2001                               

COMMUNIQUE

Élisabeth GUIGOU, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité, et Bernard KOUCHNER, Ministre délégué à la Santé, ont reçu le mardi 20 juin 2001, le Professeur Lucien ABENHAÏM et le Professeur Guy NICOLAS qui leur ont remis leur rapport respectif sur la démographie médicale en France.

Ces deux rapports sont le fruit de groupes de travail ministériels mis en place à la demande des Ministres dans le courant du deuxième semestre 2000. Le premier groupe, piloté par la Direction Générale de la Santé et dont le rapporteur est Anne-Carole BENSADON, a associé l’ensemble des directions du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité ainsi que la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et la direction de la prévision du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’Industrie. Deux organismes d’études et d’expertise extérieurs ont également contribué à sa réalisation. Le second groupe, piloté par le Professeur NICOLAS, s’est attaché plus spécifiquement aux enjeux hospitaliers de la démographie médicale.

L’adaptation de la démographie médicale constitue en effet un enjeu majeur de santé publique pour les années à venir. Le constat fait aujourd’hui est unanime sur le fait que les difficultés potentielles sont plus liées à l’inégalité de répartition des médecins entre les différentes spécialités et entre les territoires qu’à un problème d’effectif global à court ou à moyen terme.

Ces rapports permettent aussi d’identifier les domaines dans lesquels les connaissances disponibles ne sont pas aujourd’hui suffisantes pour pouvoir proposer de façon consensuelle des pistes d’actions. C’est ainsi que le besoin le plus immédiat paraît celui d’un diagnostic partagé - avec l’ensemble des partenaires concernés - sur les phénomènes démographiques.

À partir de différentes hypothèses concernant les évolutions démographiques et après avoir dressé un inventaire des différents leviers d’action qui sont susceptibles d’être mobilisés (numerus clausus, passerelles entre les spécialités, complémentarité ou substitution entre certains professionnels, incitations de nature à remédier aux disparités géographiques…), les deux rapports élaborent différents scénarios de régulation possible.

Les deux Ministres ont décidé de rendre public les rapports. Ils serviront de base à une large concertation. Une journée nationale de la démographie médicale sera organisée dans les prochaines semaines.


 

PROPOSITIONS SUR LES OPTIONS A PRENDRE EN MATIERE DE DEMOGRAPHIE MEDICALE

 

Guy NICOLAS
Michèle DURET

Juin 2001

PREAMBULE

I

La régulation des flux d’entrée : la détermination du nombre de places au concours d’internat par spécialités.

II

Le Post Internat

III

Le métier de spécialiste

IV

L’évolution des métiers

SYNTHESE DES PROPOSITIONS

 

PREAMBULE

Après une longue période de croissance, le nombre de médecins en France se stabilise et va commencer à décroître.

Cette situation entraîne une multiplication d’interventions et d’interpellations sur la pénurie médicale qui s’annonce ou qui selon les interlocuteurs est déjà à l’œuvre.

Rappelons brièvement quelques chiffres pour situer, le plus objectivement possible les termes du débat.

·        Evolution globale du nombre de médecins  :

1960 : 44 954
1970 : 65 047
1980 : 117 920
1990 : 171 463
2000 : 197 224

·        Evolution du nombre des omnipraticiens :

1980 : 75 895
1990 : 88 114
2000 : 94 746

·        Evolution du nombre de spécialistes :

1980 : 42 025
1990 : 81 388
2000 : 99 254

C’est ce niveau de progression continue qui a été la cause de l’instauration en 1971 d’un numerus clausus à la fin de la 1ère année des études de médecine, numerus clausus progressivement resserré depuis 15 ans.

Mais, il faut bien remarquer que cette croissance ne s’est pas faite de manière harmonieuse, elle a fait apparaître des déséquilibres importants et des évolutions hétérogènes.

o       Déséquilibres quant à la répartition géographique des médecins sur le territoire avec des écarts marqués en faveur des régions du sud : PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine, mais également en faveur des grandes villes et en particulier des villes universitaires.

o       Déséquilibres entre généralistes, et spécialistes.

En 20 ans la part des spécialistes est passé de 36 à 51 % des effectifs ; la France compte aujourd’hui 99 250 spécialistes et 94 750 omnipraticiens dont un certain nombre ont un exercice exclusif, acupuncture, homéopathie, angiologie et ne pratique pas la médecine générale polyvalente. Ce qui ramène à 56 183 le nombre des vrais médecins généralistes, sans orientation complémentaire, qui exerce en cabinet libéral.

o       Evolutions variable selon les spécialités

D’une spécialité à l’autre les évolutions sont également très différentes. Ainsi le nombre de psychiatres a été multiplié par 6 depuis 1980, et il a cru de 26 % pendant la décennie 1990-2000 pour atteindre au 1er janvier 2000 le chiffre de 13 250.

Pendant la même période les spécialités chirurgicales ont crû de
11 % et certaines d’entre elles ont vu leur effectif baisser.

Les causes de cette situation sont connues.

Les leviers d’action ont porté uniquement sur deux facteurs :

o       la limitation de l’accès aux études médicales par l’instauration du numerus clausus à la fin de la première année des études de médecine,

o       le rééquilibrage de la répartition entre généralistes et spécialistes. Celui-ci se fait uniquement depuis l’application de la loi du 28 décembre 1982 par la limitation du nombre de places ouvertes au concours d’internat puisque la voie du CES a été supprimée.

Or, pour les spécialités médicales et chirurgicales, le chiffre est fixé au niveau de neuf disciplines (spécialités médicales, anesthésiologie, pédiatrie, médecine du travail, santé publique, spécialités chirurgicales, gynécologie-obstétrique et gynécologie médicale, biologie médicale et psychiatrie) ce qui ne permet pas d’assurer une régulation précise pour les différentes spécialités.

Le déséquilibre qui s’en ait suivi, demeurait acceptable au cours des années de croissance, mais dès lors que les effectifs se stabilisent ou diminuent, il va entraîner dans certains secteurs de graves difficultés. C’est en particulier le cas pour les établissements hospitaliers.

Les établissements hospitaliers ont essentiellement besoin de médecins spécialistes pour assurer le fonctionnement de leurs différents services.

L’effectif des spécialistes a progressé ces 20 dernières années, mais cette progression s’est surtout faite en faveur du secteur privé et de l’exercice libéral.

Au 1er janvier 2000 seuls 37 % des spécialistes exercent à l’hôpital public, alors que ce taux atteignait 51 % en 1980.

A cette constatation s’ajoute un autre phénomène qui contribue à accroître la tension sur les effectifs médicaux des hôpitaux.

En effet traditionnellement, une part importante du potentiel médical hospitalier était constituée par des spécialistes en formation et par de jeunes médecins qui à l’issue de leurs études avaient réussi le concours d’internat.

La réduction du nombre des internes, parallèle à celle du nombre des étudiants par le fait du numerus clausus a progressivement réduit les effectifs dans la plupart des services.

De plus, dans le but de corriger les inégalités géographiques on a augmenté le nombre de postes des internes dans les régions à faible densité médicale au détriment " des grandes facultés " ce qui, en terme de qualité de formation, ne correspondait pas à une totale logique.

Pour les hôpitaux ces mesures ont rapidement entraîné des conséquences directes sur la prise en charge médicale.

La première conséquence a été la concentration des internes dans les services des CHU et de quelques services des hôpitaux généraux les plus importants. Ce constat a entraîné la création de postes médicaux dans les centres hospitaliers pour répondre aux besoins des patients, mais ces postes, médecins assistants ou vacataires sont difficilement pourvus dans des villes moyennes ou peu nombreux, ces médecins sont soumis à des contraintes fortes.

Cette situation paradoxalement constitue également un frein à une bonne régulation des flux entre les différentes spécialités, l’augmentation du nombre d’internes dans une spécialité se réalisant au détriment d’une autre spécialité, du fait de la limitation globale des postes, la lutte des influences est alors très forte et les transferts se font souvent au détriment des moins bien dotés qui offrent une moindre résistance.

Dans nombre de services de CHU, les internes constituent une fraction importante du potentiel médical et leur place dans l’organisation de la prise en charge médicale des patients est essentielle.

Toute réduction des effectifs d’internes provoquent donc des tensions que chaque responsable s’efforce de limiter.

Le pilotage précis de la démographie médicale qui va devoir être effectuée dans la période de décroissance des effectifs qui s’ouvre ne peut continuer à s’effectuer dans ces conditions.

A partir de 2008-2010 avec la cessation d’activité des générations d’étudiants des années 1970 pour la première fois le nombre de nouveaux médecins va être globalement inférieur au nombre de départs.

Mais on le sait et de nombreuses études l’ont montré, quelques spécialités seront concernées beaucoup plus tôt.

Ce constat, associé aux fortes disparités géographiques qui demeurent, peut conduire à des tensions fortes dans certaines spécialités et dans certaines régions ou départements.

Une remontée brutale du numerus clausus n’est pas la réponse adaptée au problème de démographie hospitalière. Outre le fait que les résultats de cette mesure ne seraient perceptibles que dans un délai de 10 à 12 ans, il risquerait de reproduire à l’identique une situation qui de l’avis général n’est pas satisfaisante.

Les augmentations progressives et limitées du numerus clausus observées depuis 1998 semblent beaucoup plus adaptées. Elles devraient se poursuivre pour atteindre 4 500, 4 600 en 2 ou 3 ans et se poursuive en fonction des besoins.

Le nombre de médecins à former pour les années à venir ne constitue pas la réponse exclusive aux questions qui se posent ; elle ne saurait en tout état de cause se produire sans que des dispositions aient été prises pour garantir le renouvellement prioritaire des spécialités déficitaires et pour assurer une répartition équilibrée de l’offre sur le territoire.

Mais parallèlement une réflexion sur l’évolution des pratiques, le contenu des métiers et la répartition des tâches entre professionnels de santé doivent permettre d'aboutir à des modifications des champs de compétence actuellement définis.

 

I La régulation des flux d’entrée : la détermination du nombre de places au concours d’internat par spécialités.

La régulation de la démographie médicale est actuellement assurée à l’aide de deux instruments.

o       Le numerus clausus qui fixe le nombre de places offertes à l’entrée de la deuxième année des études de médecine.

o       Le concours d’internat qui intervient à l’issue du 2ème cycle des études médicales et qui permet de sélectionner les futurs spécialistes.

Si le numerus clausus à permis de maîtriser le flux à l’entrée des études de médecine, le concours d’internat a certes limité le nombre de spécialités formés, mais il n’a pas permis de corriger les déséquilibres entre spécialistes ni les disparités géographiques.

En effet, le nombre de places mis au concours est fixé par grandes disciplines et si certaines disciplines correspondent à des spécialités, deux d’entre elles, les spécialités médicales et les spécialités chirurgicales qui représentent plus de la moitié des places mises au concours, correspondent respectivement à 16 et à 13 spécialités différentes,

Ce dispositif laisse de larges possibilités de choix aux candidats et ce d’autant que les moyens dont dispose l’administration pour assurer une régulation n’ont pas jusqu’alors fait la preuve de leur efficacité.

C’est ce constat qui a conduit en 1999 à ériger en filière nouvelle trois spécialités, l’anesthésie-réanimation, la pédiatrie et gynécologie-obstétrique pour garantir le nombre de formations nécessaire aux besoins de la population.

Dans la perspective d’une stabilisation des effectifs médicaux, à l’horizon des prochaines années, on ne peut se satisfaire de fixer le nombre globale de spécialistes à former pour les disciplines médicales ou pour les disciplines chirurgicales, on devra s’assurer que les formations choisies correspondent bien aux besoins prioritaires.

On ne peut continuer à s’en remettre au choix des internes pour assurer la régulation entre spécialités, sauf à prendre le risque de voir se créer des zones de pénurie dans certaines spécialités.

Comment obtenir que les choix des internes s’orientent vers la chirurgie viscérale ou l’urologie plutôt que vers la chirurgie plastique moins contraignante et plus rémunératrice.

La régulation fine de la démographie médicale qui doit désormais être effectuée nécessite que la répartition du nombre de places au concours d’internat soit faite par spécialité.

Déjà certaines spécialités ont réfléchi à ce problème, elles sont capables de fournir une estimation des capacités de formation.

Et elles peuvent d’ores et déjà sur la base des travaux des collèges de spécialités, être individualisées.

Ce sont pour les spécialités chirurgicales, l’orthopédie, la chirurgie générale et peut-être la chirurgie vasculaire.

Une réflexion doit rapidement être organisée pour déterminer les besoins de renouvellement des autres spécialités.

Mais cette maîtrise des flux de formation ne saurait se concevoir sans que parallèlement tous les efforts soient mis en œuvre pour que les médecins soient mieux préparés à leur exercice futur.

La formation des internes n’est pas actuellement optimale.

L’exigence d’un meilleur niveau de formation théorique et clinique des internes se heurte souvent aux besoins des services hospitaliers où ils participent en priorité à des tâches de soins.

La formation des futurs spécialistes doit être adaptée pour leur permettre de répondre aux exigences auxquelles ils vont être confrontés.

En effet, l’évolution rapide de la technologie, la maîtrise nécessaire de techniques complexes dans des conditions de sécurité de plus en plus exigeantes conduits à la recherche d’une sur-spécialisation sur des segments limités donc parfaitement maîtrisés. Mais la difficulté à prévoir les évolutions susceptibles d’intervenir dans les quinze prochaines années, qu’il s’agisse des besoins de la population ou des progrès techniques susceptibles de rendre obsolète une pratique plaide pour que soit préservées les possibilités d’une réorientation professionnelle.

Cela suppose qu’un certain nombre de modifications soient apportées aux conditions actuelles de formation.

Elles portent sur l’agrément des services formateurs, sur les maquettes de formation et l’introduction de passerelles entre spécialités.

L’agrément des services formateurs

Au cours du 3ème cycle des études médicales, les internes sont affectés dans un service formateur agréé.

L’agrément des services est accordé dans chaque région sur avis de la commission de subdivision siégeant en commission d’agrément. Mais si des dispositions réglementaires ont bien précisé les conditions de désignation des membres de la commission, elles n’indiquent pas les critères à remplir pour l’agrément des services formateurs.

La situation actuelle est donc contrastée et très dépendante des besoins des services hospitaliers.

Ainsi, dans certaines régions de petite taille et où les moyens de formation sont limités, les postes formateurs sont nombreux alors que dans d’autres régions dotées de services qui pourtant dispose d’un encadrement et d’un niveau d’activité bien supérieurs, les postes formateurs sont quasi inexistants.

Il est essentiel de redonner à la commission d’agrément le rôle majeur qui doit être le sien.

Cela passe par la mise en place d’une procédure plus exigeante d’agrément des services. Celle-ci doit se baser sur les capacités de formation des services : niveau d’encadrement, équipements techniques, niveau et type d’activité, participation aux programmes de recherche.

Ces critères devraient faire l’objet d’un cahier des charges précis national unique selon les spécialités. Le rôle des Doyens est fondamental sur ce point.

Ces exigences permettront de rapprocher le nombre de services agrées, du nombre de spécialistes à former, ce qui réduira considérablement le choix actuellement proposé aux internes.

Cela suppose également que la répartition des postes d’internes entre les régions ne constitue plus un instrument de répartition des médecins sur le territoire mais qu’elle réponde uniquement à des critères de qualité de formation.

Les maquettes de formation

Les maquettes de formation actuelles favorisent des formations d’emblée très spécialisées.

Pour préparer les futurs spécialistes aux évolutions susceptibles d’intervenir pendant leur exercice professionnel, plusieurs modifications devraient être apportées.

o       Prévoir des troncs de formation communs par groupe de spécialités voisines ou complémentaires.

o       Introduire dans la formation des matières nouvelles ou insuffisamment enseignées (l’épidémiologie et l’économie de la santé).

o       Rendre obligatoire les échanges entre les services formateurs de la spécialité à travers les inter-régions.

L’objectif est de donner une formation plus large, plus complète, de décloisonner les spécialités en permettant une plus grande ouverture sur les spécialités complémentaires.

Les passerelles

La limitation du nombre de spécialistes formés dans chaque spécialité, la réduction du nombre de services formateurs agréés va modifier l’exercice du droit au remord qui avait été instauré mais donner une plus grande liberté si le tronc commun est suffisamment large.

Par la suite les modalités d’acquisition d’une nouvelle qualification doivent pouvoir être élaborées sur la base des cursus suivis par les candidats, ces formations ayant pour but d’acquérir une qualification équivalente à celle détenue par la voie de la qualification initiale.

Un dispositif de validation des compétences ainsi acquises et des diplômes obtenus au cours de l’exercice professionnel doivent permettre de déterminer les formations complémentaires à effectuer.

Cette possibilité de modification de l’orientation des médecins constitue une évolution indispensable à l’attractivité de certaines spécialités à contraintes fortes, elle permet également une plus grande adaptabilité aux besoins.

L’installation

Il ne faudrait pas oublier que la réforme envisagée poursuit un double but, former dans les meilleures conditions les spécialistes dont on aura besoin dans un avenir proche et corriger les inégalités de répartition géographique existantes qui ne pourront que s’aggraver.

Nous venons de proposer quelques solutions pour répondre au premier objectif mais nous sommes conscients que celles-ci n’influenceraient en aucune façon le second.

Maîtriser les flux d’entrée sans réguler la sortie ne permet pas de répondre aux besoins en terme d’organisation territoriale de l’offre de soins.

Il est donc essentiel qu’une réflexion soit rapidement engagée sur la régulation de l’installation des médecins et qu’un groupe soit spécifiquement mandaté pour faire des propositions concrètes sur ce point prioritaire, pierre angulaire de toute réforme.

L’année 2004 est une année charnière, celle de la transformation du 3ème cycle des études médicales et de l’harmonisation de la formation des futurs spécialistes ou généralistes. Il faudrait donc que le nouveau dispositif soit en place pour que les étudiants qui s’engageront dans le 3ème cycle cette année là connaissent les nouvelles conditions d’exercice, celles qui leurs seront offertes à partir de 2008.

II Le Post Internat

L’internat correspond à une période de formation des spécialistes tant sur le plan théorique que pratique sous la responsabilité de praticiens titulaires, universitaires ou non.

C’est une formation progressive souvent inachevée sur le plan pratique aux termes des quatre années, et l’intéressé ne se sent pas capable de parfaitement maîtriser toutes les situations. Aussi cherche-t-il à acquérir cette maîtrise au cours du clinicat qui lui permet de prendre en charge plus complètement des malades.

C’est une pratique très répandue dans beaucoup de disciplines, ce qui a détourné les chefs de clinique de leur mission traditionnelle qui était avant tout universitaire.

Actuellement, la possibilité d’obtenir un poste de chef de clinique est variable d’une faculté à l’autre, variable selon aussi les spécialités en raison d’une distribution historique des postes qui ne correspond plus à l’activité actuelle des différentes spécialités et aux besoins de formation.

De plus, globalement, la moitié des internes seulement peut bénéficier d’un temps de clinicat.

De façon à répondre aux vrais besoins actuellement non satisfaits tant sur le plan hospitalier qu’universitaire, il est donc urgent de reprendre une idée déjà émise qui est celle de la mise en place d’un assistanat de deux ans, éventuellement renouvelable.

L’assistant aurait les mêmes prérogatives que l’actuel chef de clinique. Et dans un souci d’harmonisation, il faut envisager un corps unique d’assistant soit hospitalier pur c’est à dire assurant toute son activité à l’hôpital, soit hospitalo-universitaire c’est à dire partageant son temps entre l’hôpital et l’université.

Le titre de chef de clinique, obsolète depuis 30 ans, puisque les services de clinique et les professeurs de clinique ont été supprimés, serait ainsi remplacé par celui d’assistant hospitalo-universitaire en accord avec la situation des assistants de sciences fondamentales.

La fonction universitaire persisterait et devrait être explicitement définie sur la base d’un projet précis, validé et évalué par la faculté.

Dans un même service on pourrait parfaitement voir coexister les assistants hospitaliers (AH) et les assistants hospitalo-universitaires (AHU), chacun dans son rôle.

Les postes hospitaliers ainsi créés seront répartis dans les régions sur l’ensemble des hôpitaux ayant une capacité d’encadrement car il ne serait pas raisonnable de laisser totalement seuls ces jeunes " seniors ".

Il est important que ce nouveau concept puisse fonctionner de façon souple afin de permettre, par la mobilité, une meilleure complémentarité entre les établissements.

Il est évident par exemple qu’à partir de 2004, la présence d’AHU dans les hôpitaux non universitaires sera nécessaire pour participer à la formation des futurs internes en médecine générale.

Le monde médical hospitalier manque de mobilité alors que statutairement rien ne s’y oppose et que le refus est beaucoup plus d’ordre culturel. Le motif le plus souvent évoqué est la crainte d’une rupture de l’équipe alors que l’immobilisme actuel pendant de longues années est souvent source de conflits à l’intérieur des services et de dysfonctionnements graves dans la marche des services et les exemples sont malheureusement trop nombreux.

III Le métier de spécialiste

Au cours des 30 dernières années la médecine s’est profondément transformée notamment en ce qui concerne l’exercice des spécialités qui, sauf exception comme la psychiatrie et quelques autres, nécessite une technicité de plus en plus sophistiquée et de surcroît rapidement dépassée.

A cette évolution galopante s’ajoute le fait que les règlements en matière de sécurité sanitaire se multiplient et deviennent de plus en plus contraignants.

Le travail solitaire est donc devenu difficile pour le spécialiste limité dans ses investissements et qui a besoin d’avis complémentaires de façon à obtenir en temps réel un maximum d’informations.

Toutes ces raisons convergent vers l’organisation des spécialités autour de plateaux techniques performants de façon à pouvoir fournir au malade en toutes circonstances les soins les plus adaptés à sa situation par la conjonction de la compétence et de la sécurité.

Ce type d’installation nécessitera des structures assez lourdes, publiques ou privées au sein ou en dehors du secteur hospitalier.

Une organisation de ce type permettra en outre la mise en place d’une permanence d’accès aux différents plateaux techniques en faisant participer l’ensemble des membres de la structure à un service de garde commun. Ceci permettrait de résoudre le lancinant problème de l’organisation de la permanence médicale qui atteint actuellement aussi bien le secteur public que le secteur privé.

Cette réorganisation de l’exercice des spécialités médicales autour du plateau technique ne doit pas aggraver la situation pour les malades en terme d’accès aux soins et de conditions de prise en charge.

Il faudra particulièrement veiller à bien répartir ces structures à travers le territoire en tenant compte du bassin de population concerné, des temps d’accès et en évitant les doublons sur deux sites proches.

Cet objectif doit être considéré comme une priorité pour les dix années à venir.

Il ne faudrait pas non plus réduire l’exercice d’une spécialité aux seuls examens complémentaires dont l’accessibilité serait favorisée par la proximité du plateau technique.

Au contraire le spécialiste doit considérer la technique comme une aide, un appoint, il doit l’adapter à chaque cas particulier et ne pas l’utiliser pour se prémunir d’un éventuel contentieux.

Ainsi la relation médecin malade est protégée et même renforcée.

Cette approche humaniste ne peut réussir que si l’on dissocie l’acte clinique de l’acte technique en valorisant le premier et en adaptant le second aux charges induites par l’investissement.

Reconsidérer le mode de rémunération des spécialistes est une idée souvent émise mais jamais appliquée et actuellement on continue à pénaliser fortement certaines spécialités en refusant de prendre en compte cet aspect. Il est devenu urgent de corriger cette anomalie source d’inégalités injustifiées

Enfin 2004 ouvre une situation nouvelle puisqu’à partir de cette date l’internat est accessible à tous les étudiants et non plus seulement aux candidats s’orientant vers une spécialité.

La formation des médecins généralistes va de ce fait s’améliorer et la maquette comporter des passages obligatoires vers quelques spécialités clés pour un généraliste comme la pédiatrie, la dermatologie, la psychiatrie…

Les médecins généralistes se trouveront ainsi, dans le futur, capables de mieux prendre en charge certains malades auprès desquels ils se trouvent actuellement mal à l’aise, les nourrissons par exemple.

Le rôle respectif entre généralistes et spécialistes va donc se trouver de ce fait profondément modifié.

Le spécialiste deviendra le médecin recours et beaucoup moins que maintenant celui qui suit les malades au long cours pour une pathologie donnée.

IV L’évolution des métiers

La réponse aux besoins de santé de la population et des structures hospitalières ne pourra être satisfaite que si des modifications sont apportées aux organisations actuelles.

L’observation de la situation dans quelques pays dont le niveau de développement économique et les indicateurs de santé sont comparables aux nôtres, Pays Bas, Grande Bretagne, Québec… montre que les besoins en médecins sont très dépendants des modèles d’organisations des soins.

La remarque vaut pour les généralistes comme pour les spécialistes.

Un généraliste français suit en moyenne moins de 1 000 patients, un généraliste néerlandais en suit 2 500.

En France, on l’a souligné, le nombre de spécialistes s’est considérablement accru au cours des vingt dernières années.

La baisse des effectifs doit conduire à redéfinir la place de la médecine générale et le partage des rôles entre généralistes et spécialistes doit être réexaminé en conséquence.

Elle doit amener à s’interroger également sur le rôle propre d’un certain nombre de professionnels de santé non médecins et sur une nouvelle répartition des tâches entre professionnels de santé.

Rôle des généralistes

La perspective d’une réduction des effectifs dans un certain nombre de spécialités et dans le même temps l’exigence d’une maîtrise de techniques médicales de plus en plus sophistiquées, conduisent à proposer de recentrer l’activité des médecins spécialistes sur leurs fonctions de référence.

Le médecin généraliste doit dans ce scénario être le médecin de premier recours et comme tel chargé de la coordination des soins aux patients.

La réforme du 3ème cycle des études médicales va instaurer à partir de 2004 un internat qualifiant en médecine générale. Elle légitime ce rôle de pivot du médecin généraliste.

Il conviendra de veiller à ce que les maquettes de formation des futurs internes spécialisés en médecine générale prenne en compte ces nouvelles missions en intégrant des modules de formations adaptés notamment en pédiatrie, en gynécologie, ORL… mais également en santé publique.

Cette mesure coordonnée à la réforme de l’internat permettrait d’amorcer dès 2008 une réorganisation des conditions de prise en charge dans les différentes spécialités dont les effectifs commenceront à baisser à partir de 2010.

La place des professionnels de santé non médecins

La recherche de l’adaptation des effectifs médicaux, aux besoins de la population conduit également à porter l’attention sur le contenu du " métier " médical et sur la répartition des tâches avec d’autres acteurs professionnels qui participent à l’acte médical.

Les modalités de formation et de qualifications des professionnels de santé ont beaucoup évolué au cours des années et dans un certain nombre de spécialités leur collaboration s’inscrit dans les protocoles de prise en charge des patients d’ores et déjà. Les exemples ne manquent pas et de nombreuses spécialités sont concernées ; on peut citer les opticiens et les orthoptistes en ophtalmologie, les infirmiers aides anesthésistes en anesthésie, les infirmiers de bloc opératoire pour l’activité chirurgicale mais également les manipulateurs de radiologie ou les psychologues dont les fonctions gagneraient à être précisées.

La répartition des rôles entre obstétriciens et sages femmes qui certes pour leur part exercent une profession médicale, à compétence limitée, constitue un mode d’organisation qui pourrait être repris pour d’autres professions

Dans chaque cas, une réflexion spécifique est à mener pour déterminer les actes qui pourraient être transférés dans le champ de compétence des professionnels concernés.

Mais la méthode à retenir dans son principe ne diffère pas suivant les spécialités.

L’objectif est dans tous les cas d’assurer un niveau de qualité et sécurité optimum dans la prise en charge du patient.

Il appartient donc aux différents collèges de spécialités, en accord avec les professionnels concernés, de déterminer dans les différents processus de soins ou de prise en charge, les actes qui peuvent être transférés dans les champs de compétence des professionnels non médicaux.

Les propositions qui résulteraient de ces travaux devront à la fois indiquer la nature des actes qui pourraient être transférés dans le champ de compétence des auxiliaires médicaux, établir les protocoles à suivre pour les réaliser et déterminer le contenu des formations complémentaires qui devront être mises en place pour les confirmer dans ces nouvelles attributions.

Les programmes de formation initiale de ces professionnels devront être revus en conséquence.

Cette formation pourrait d’ailleurs, à l’avenir être confié à des instituts universitaires de formation à l’image de ce qui se pratique dans la plupart des autres pays d’Europe.

L’élargissement du champ de compétence des professionnels de santé non médecins permet de recentrer l’activité des médecins sur les actes pour lesquels leur qualification est requise, mais il présente également l’intérêt d’être facilitateur dans l’organisation des réseaux de soins coordonnés qui devront être mis en place pour permettre une prise en charge globale des patients.

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SYNTHESE DES PROPOSITIONS

Première proposition :

Assurer la maîtrise de l’évolution des effectifs dans les différentes spécialités en déterminant le nombre de places ouvertes au concours d’internat par spécialités.

Deuxième proposition

Réviser la procédure d’agrément des services formateurs sur la base d’un cahier des charges national précis par spécialités.

Troisième proposition :

Revoir les maquettes de formation en y intégrant des troncs communs de formation.

Quatrième proposition :

Mettre en place des passerelles entre les spécialités.

Cinquième proposition :

Instituer une régulation à l’installation des médecins spécialistes et des médecins généralistes.

Sixième proposition :

Créer un post internat accessible à tous en instaurant un corps unique d’assistant hospitalier.

Septième proposition :

Organiser l’activité des spécialistes sur la base de nouvelles modalités autour de plateaux techniques.

Huitième proposition :

Redéfinir le rôle des médecins généralistes et des médecins spécialistes.

Neuvième proposition :

Reconnaître le rôle des professionnels de santé non médecins et déterminer pour chaque spécialité les actes qui pourraient être transférés dans leur champ de compétence propre.


PERSPECTIVES DE LA DEMOGRAPHIE MEDICALE

SYNTHESE DU RAPPORT DE LA DGS – JUIN 2001

L’adaptation de la démographie médicale constitue à l’évidence un enjeu majeur de santé publique. Dans ce rapport, la DGS, appuyée par ses partenaires, présente un état des lieux de la démographie actuelle et des scénarii pour les 20 prochaines années. Ce travail permet également de définir un cadre commun pour envisager l’utilisation des différents leviers d’action au service des politiques publiques en matière de démographie médicale.

Il faut souligner d’emblée qu’un des résultats de ce travail est d’identifier les nombreux domaines dans lesquels les connaissances disponibles ne sont pas suffisantes pour pouvoir proposer des pistes d’action. Au delà des prises de positions alarmistes et souvent prématurées, ce dont l’action publique a le plus besoin dans l’immédiat, c’est d’un dispositif d’observation et d’analyse permettant de réunir l’ensemble des partenaires concernées à partir d’un socle commun de connaissances fiables. De façon plus générale, la relation entre l’offre de soins et l’état de santé mérite d’être plus étudiée.

 

 

LA DEMOGRAPHIE MEDICALE AUJOURD’HUI : UNE DENSITE ELEVEE ET LES PRODROMES DE CARENCES LOCALISEES

On estime que la densité médicale globale est passée de 130 en 1970 à 331 en 2000 pour 100 000 habitants. Ces chiffres résultent d’une estimation, fournie par la DREES, a été réalisée à partir de données issues d’ADELI et redressées par les résultats de l’enquête Emploi de l’INSEE. Le nombre de médecins salariés comporte donc une certaine incertitude. Les différences observées sur le nombre de médecins en fonction des fichiers sources montrent l’intérêt de disposer d’un fichier source unique. Actuellement, une précision à plus ou moins 5000 médecins est sans validité scientifique compte tenu de la faible qualité des données non agrégées.

Le partage des modes d’exercice entre médecine salariée et médecine libérale est resté globalement stable au cours de cette période. L’exercice libéral pour l’ensemble des médecins (généralistes et spécialistes confondus) a toujours été proche de 60 % des effectifs depuis 1984, avec une légère augmentation jusqu’en 1992 et une tendance à la diminution depuis. Au premier janvier 2000, 60,3 % des médecins exerçaient en libéral.

Cette relative stabilité ne se retrouve pas dans la répartition entre médecins généralistes et spécialistes. La réforme de l’internat qualifiant, avec une période transitoire pendant laquelle la spécialisation a pu se faire par le biais de l’internat et par celui des certificats d’études spécialisés, a contribué à une nette augmentation de la part des médecins spécialistes. Ainsi, la forte croissance démographique du corps médical s’est accompagnée d’une nette augmentation de la part des spécialistes qui est passée de 43 % en 1984 à 51 % en 2000. Cela correspond à une augmentation du nombre de spécialistes très importante en valeur absolue, de près de 40 000 en quinze ans.

Une situation variable selon les spécialités

Depuis 1990, 33 des 38 spécialités médicales ont vu leur effectif croître avec les augmentations les plus importantes (en chiffres absolus) en radiodiagnostic et biologie médicale. Sur les 5 spécialités ayant connu une baisse, la plus notable est celle de la chirurgie générale mais l’anesthésiologie réanimation, la gynécologie médicale, la radiothérapie et la stomatologie sont également en décroissance.

Cette augmentation globale du nombre des spécialistes cache des situations variables selon les spécialités, le mode d’exercice et la répartition géographique. Si la densité médicale globale actuelle est la plus élevée jamais atteinte, les phénomènes conjoints d’une densité relative globale peu élevée dans certaines spécialités, d’une répartition de l’offre de spécialistes inégale sur le territoire et/ou d’une répartition parfois très asymétrique du mode d’exercice de la spécialité (libéral/salarié) conduisent, pour certaines spécialités, à des difficultés ponctuelles d’accès aux soins et des difficultés d’exercice que soulignent les professionnels et les élus concernés.

Certaines spécialités connaissent en secteur hospitalier des vacances de poste importantes mais il est important de souligner qu’elles sont moins liées à la densité médicale globale de la spécialité qu’à la répartition des modes d’exercice des spécialistes accentuées par des disparités géographiques. Des spécialités pléthoriques en secteur libéral peuvent être déficitaires en secteur hospitalier (cas de la psychiatrie).

Ces constats de base montrent la nécessité de mobiliser des leviers différenciés selon les situations. Leur mise en œuvre suppose un diagnostic précis en travaillant par spécialité, par zone géographique, par mode d’exercice et secteur d’activité. Le temps d’accès nécessaire à des soins de qualité au regard des normes professionnelles doit guider cette analyse et permettre d’établir une cartographie médicale.

Les disparités géographiques : l’analyse de la DGS aboutit à définir cinq zones

En dépit de la croissance forte du nombre de médecins, d’importantes disparités régionales de densité médicale persistent. Hormis trois régions, la Picardie, la Provence Alpes Côte d’Azur et l’Ile de France dont les densités médicales pour 100 000 habitants sont respectivement de 241, 412 et 425, la disparité n’est pas si grande qu’il y paraît à première vue. Si on élimine ces cas extrêmes, la distribution est plus homogène avec une moyenne de 302 pour 100 000 habitants autour de laquelle se retrouvent de très nombreuses régions de densité présentant des écarts maximum de + 21 % (Languedoc Roussillon) à – 13 % (Centre).

L’analyse de ces disparités montre que l’on peut proposer cinq catégories de densité séparées par des sauts de densité significatifs : 16 régions sur 22 sont de catégorie II et III (II : 250-299 médecins pour 100 000 habitants ; III : 300-349 pour 100 000 habitants). Si l’on exclut les trois régions à plus forte densité - Languedoc Roussillon, Provence Alpes Côte d’Azur, Ile de France - (catégories IV et V); on note une très faible corrélation entre la croissance des densités et la densité totale, ce qui reflète les difficultés à réduire les écarts de densité avec les outils utilisés jusqu’ici.

Deux phénomènes sont apparents : l’héliotropisme et l’attraction de la capitale. Il y a bien deux France de densité médicale : le Sud, l’Ile de France et l’Alsace avec une densité supérieure à 320 ; le reste de la France avec une densité inférieure à 300. Cependant, les disparités régionales sont nettement moins importantes pour les généralistes que pour les spécialistes.

En revanche, les disparités interrégionales s’accentuent quand le raisonnement est mené pour les seuls spécialistes. Une part importante des disparités régionales est attribuable à la répartition des spécialistes mais ces disparités doivent être interprétées en tenant compte de la répartition des spécialistes par région et par mode d’exercice (proportion exerçant en établissement public de santé, en ville, etc.).

Une nécessité : l’analyse des disparités infra-régionales

Les inégalités infra-régionales constituent un niveau d’analyse indispensable pour s’assurer que les besoins sont couverts. Or d’importantes disparités existent au sein des régions. En Ile de France, par exemple, qui paraît la région la mieux dotée, il faut distinguer Paris, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne avec des densités médicales fortes (respectivement 768, 419 et 331 pour 100 000 habitants) des autres départements de la région tels que les Yvelines, la Seine-Saint-Denis, l’Essonne et surtout la Seine et Marne (densités médicales pour 100 000 habitants respectivement de 277, 274, 250, 214).

L’analyse des disparités infra-régionales doit être menée selon un zonage pertinent pour chaque spécialité. L’adaptation de la démographie médicale suppose de mener pour les spécialités les plus concernées une étude visant à définir la part de l’activité qui doit pouvoir être accessible " en proximité " et à préciser la zone géographique d’attractivité pertinente pour répondre aux besoins, compte tenu de l’offre de soins dans la zone considérée.

La croissance de la densité globale depuis 1985 a été de 30 à 40 % dans les régions à densité médicale faible mais de 20 % dans celles à densité médicale forte. Ainsi, pour les généralistes, les écarts actuels de densité ne sont probablement pas réductibles, sauf à mener une politique autoritaire. Une analyse géographique fine est d’autant plus nécessaire qu’il s’agira à l’avenir de régler des problèmes ponctuels mais qui pourraient se multiplier.

De nombreux facteurs influencent le choix des spécialités

On connaît les différents critères qui interviennent dans le choix des spécialités. Ils sont liés au rang de classement, au nombre de postes offerts au choix de l’internat, à la vocation et à la notoriété, aux conditions de travail, au risque juridique, aux revenus attendus et au montant de l’investissement.

Si on ne peut pas analyser le médecin ni comme un entrepreneur individuel, ni comme un fonctionnaire, on doit constater l’absence d’études permettant de mieux comprendre les motivations de ses comportements et de pondérer, même approximativement, ces différents critères.

Les critères de choix du lieu d’exercice sont également bien cernés

Quelques études ont été réalisées sur les critères de choix d’installation. Les critères d’ordre personnel (cadre de vie, possibilité d’études pour les enfants, possibilités d’activité professionnelle du conjoint) interviennent de plus en plus. L’analyse des comportements en matière de choix du lieu d’exercice doit également faire l’objet d’études complémentaires. Les travaux déjà réalisés confirment la faible attractivité des zones rurales.

 

QUELLE DEMOGRAPHIE MEDICALE POUR DEMAIN ?

Les différentes projections réalisées en matière de démographie médicale ne donnent pas les mêmes résultats selon les paramètres choisis dans les modèles construits par la DREES, l’INED ou le CSDM. Néanmoins, elles convergent sur les grandes tendances et permettent de s’accorder sur le fait que si le numerus clausus est maintenu à son niveau actuel et toutes choses égales par ailleurs, il y aura une diminution des effectifs globaux à 20 ans dans une fourchette de – 15 % à – 20 %. Il faudrait fixer le numerus clausus à 7 500 pour maintenir la densité médicale à son niveau actuel.

Les résultats diffèrent davantage selon le modèle utilisé quand les prévisions sont réalisées à un niveau plus fin, par spécialité et par région notamment. Dans le cadre des travaux à mener, un accord sur le choix des modalités de projection est un pré-requis incontournable.

Les scénarios, construits à numerus clausus constant et options de choix constant des internes, prévoient une diminution de 25 % pour l’ensemble des spécialistes et de 9 % pour les omnipraticiens. Elle serait de 22 % pour la pédiatrie et 29 % pour l’anesthésie réanimation. En se limitant à 2010, on assistera à une diminution significative (de 10 % au moins) en psychiatrie (12 %), gynécologie médicale (19 %), ophtalmologie (11 %), ORL (10 %) et médecine interne (14 %).

Ainsi, toujours sous l’hypothèse d’un numerus clausus constant et d’un choix des internes constant, le nombre de généralistes en 2010 sera de 5,3 % supérieur à celui de 2000 et le nombre de spécialistes inférieur à 3,3 % à celui de 2000. Cet " effet ciseaux " avec un nombre de médecins généralistes supérieur au nombre de spécialistes pourra être constaté dès 2005 mais ne conduira pas à atteindre le ratio généraliste/spécialiste observé en 1984.

Les données disponibles montrent que les disparités géographiques iront en s’accroissant et seront encore plus marquées à l’échelle départementale.

 

QUELS LEVIERS D’ACTION ?

Des contraintes à intégrer

Le délai d’action du numerus clausus

Le choix des modes d’action pour influer sur la démographie médicale doit intégrer le délai effectif de l’action. Ce délai n’est pas simplement égal à la durée des études (10 ans). Si l’on considère que le corps professionnel est composé à un moment donné d’environ 35 promotions annuelles de diplômés, on perçoit que le changement de volume n’aura d’impact que lorsqu’il aura affecté plusieurs promotions successives, au moins cinq ou six. C’est une vingtaine d’années qu’il faudra attendre afin d’obtenir un effet net du changement de numerus clausus sur la démographie médicale.

L’évolution des comportements et leur effet sur la durée de travail des médecins

A comportements constants, on constaterait une diminution du temps de travail des médecins d’environ 5 % du fait notamment de la féminisation et de l’évolution de la pyramide des âges. D’autres facteurs influent déjà sur cette diminution du temps de travail disponible, notamment de la part de l’activité médicale consacrée aux soins, la réduction légale du temps de travail et la nouvelle définition du temps de travail hospitalier qui conduit à intégrer le temps de garde dans le temps de travail médical.

L’impossible définition d’une densité médicale optimale

Il n’existe pas de densité médicale globale normative qui s’imposerait à partir d’une relation simple avec les données de morbidité. L’évolution des besoins doit néanmoins être prise en compte. Le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie, notamment des malades atteints de pathologies chroniques, vont conduire à une augmentation de la demande de soins. Il est difficile de modéliser à 20 ans les effets des innovations technologiques. En outre, il convient de garder une flexibilité en matière de démographie en vue de pouvoir faire face à des événements rares mais vraisemblables (épidémie massive de grippe par exemple) qui pourraient dans un système à flux tendu mettre en péril la qualité du système de soins. Il faut aussi tenir compte des nouveaux métiers de santé publique correspondant à une exigence accrue pour la sécurité sanitaire et la qualité des services de santé dispensés.

Les enseignements des comparaisons internationales donnent les fourchettes de densité sous lesquelles il n’est pas raisonnable de descendre puisqu’elles sont celles de pays reconnus pour leur pénurie médicale ou au dessus desquelles on se trouverait en pléthore caractérisée.

L’adaptation de la démographie médicale doit être envisagée en tenant compte des différentes modalités d’organisation de l’offre qui auront un impact sur le nombre et le type de professionnels susceptibles de fournir une réponse à des besoins de proximité.

Les différents leviers d’action sont repérés

On ne peut pas se contenter d’agir sur les flux. Il convient de se doter de moyens d’agir sur l’ensemble de la population médicale existante.

 

 

UN SUJET A TRAITER DES AUJOURD’HUI

Des difficultés existent dès à présent. Elles sont liées aux disparités géographiques fines à la répartition entre les spécialités et les modes d’exercice et non à une insuffisance globale du nombre des médecins.

Dès maintenant, dans de nombreuses régions, des voix s'élèvent pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur les besoins de médecins dans telle ou telle spécialité (y compris la médecine générale).

Déjà, depuis plusieurs années, la France connaît un problème de démographie médicale dans ses hôpitaux. Aujourd’hui, les vacances de postes se multiplient dans certaines spécialités et dans certaines zones. Les exemples de l’anesthésie réanimation, de la psychiatrie, de la pédiatrie sont connus. Il faut y ajouter les difficultés qui touchent désormais la chirurgie, particulièrement dans certaines spécialités. Mais l’exemple de la psychiatrie montre qu’une pléthore relative peut s’accompagner de pénuries. La principale question n’est donc pas le nombre de médecins.

La question de la démographie médicale doit être pensée globalement mais avec des diagnostics locaux et spécialisés. Le rapport propose qu’une série d’études soient réalisées afin de préciser, pour chaque spécialité, la zone géographique d’attractivité qui apparaît pertinente, en tenant compte notamment du type d’offre de soins par zone géographique. Il faudra également simuler des évolutions en matière de démographie médicale pour différentes spécialités à l’horizon 2020 par zone. Ces paramètres sont variables selon la spécialité considérée, ce qui suppose un travail notamment avec les sociétés savantes sur ces points. La DGS propose de définir le délai d’accès aux soins comme le paramètre commun pour toutes les études démographiques. Il permet des comparaisons internationales et par pathologies.

 

RECOMMANDATIONS

Si des difficultés importantes risquent de survenir à terme, il faudra dès les prochaines années pouvoir répondre aux besoins de zones ou l’accès aux soins ne sera pas assuré de manière satisfaisante

Ce travail montre qu’il n’y aura pas de diminution globale de la densité avant 2008. Pour les généralistes, la diminution de densité ne sera pas significative avant 2014. Mais pour les spécialistes, elle commencera dès 2005. Il faut relativiser cette discussion en raison de l’augmentation continue de la densité depuis 20 ans, tout particulièrement chez les spécialistes.

Le délai d’action des leviers démographiques est à elle seule une incitation à agir maintenant. Elle n’est pas la seule. En effet, dès 2005, un solde net négatif peut occasionner la multiplication des zones en difficultés pour les généralistes. De plus, des évolutions fines par spécialités peuvent conduire à de multiples difficultés localisées. Cela sera rapidement un sujet important d’interpellation des pouvoirs publics.

Relever dès cette année le numerus clausus de façon significative est une nécessité

Même si on aboutit à une répartition satisfaisante de la démographie médicale en termes de spécialité et de répartition géographique, la densité médicale globale ne peut pas descendre au-delà d’une limite qui ne permettrait plus d’assurer un accès relativement égal à des soins de qualité sur tout le territoire. Assurer une chance égale pour les malades sur tout le territoire est un impératif premier de toute politique de santé. L’adaptation de la démographie médicale conditionne l’avenir du système de soins. L’organisation de l’offre de soins et la programmation en santé publique supposent que les médecins soient présents en nombre suffisant par rapport aux attentes en matière de qualité du système de santé.

Compte tenu des ces principes, le numerus clausus doit être relevé pendant une période suffisante pour atteindre une densité médicale d’équilibre. La fixation d’un numerus clausus entre 4 700 et 5 300 conduirait à des densités médicales d’équilibre situées entre 214 et 242 et atteintes respectivement à partir de 2035 et 2030. Ceci correspondrait à une baisse de 30 à 40 % par rapport à la situation actuelle, ce qui semble inacceptable sans changements drastiques de l’organisation du système de soins. Cette fourchette de densité correspond à la densité médicale de la région française la moins bien dotée aujourd’hui (Picardie). Un tel numerus clausus n’est donc pas susceptible de conduire à la pléthore. Il constitue une mesure de précaution immédiate.

Mettre en œuvre un dispositif de pilotage et de suivi de la démographie des professions de santé est une priorité

Les éléments de repérage de " déserts " médicaux présents et à venir doivent être disponibles afin de piloter de façon efficace la démographie des professions. Cela suppose l’existence d’une information partagée sur la démographie de ces professions, par spécialité, par mode d’exercice et par zone géographique définie de façon pertinente par rapport à la spécialité ou à la profession considérée au regard des besoins et des normes professionnelles. Ainsi, le système d’information doit permettre de repérer dans les meilleurs délais ces " déserts médicaux " pour la médecine de première ligne comme pour la médecine spécialisée. Cela suppose une agrégation nationale de données qui doivent être validées au niveau local.

En particulier, les évolutions sur les comportements professionnels en matière de choix de lieu d’installation ou de choix de spécialités doivent faire l’objet d’études. De même, les évolutions potentielles concernant les complémentarités entre spécialités (y compris la médecine générale), le contenu des métiers et les passerelles doivent être étudiées puisqu’ils conditionnent de façon majeure l’adaptation de la démographie médicale Ces éléments sont indispensables à un pilotage efficace de la démographie médicale.

Ces outils permanents devront être accompagnés de lieux de réflexion et de dialogue avec les différents acteurs concernés pour permettre les décisions efficientes à court, moyen et long termes qui tiennent compte des différentes facettes de l'évolution des besoins.

Agir vite pour aider à remédier aux difficultés constatées localement et prévenir leur multiplication

Le relèvement du numerus clausus, s’il apparaît indispensable, ne peut, à lui seul résoudre les difficultés localisées déjà constatées en matière de démographie médicale et on ne peut pas attendre de disposer d’un dispositif de pilotage idéal pour commencer à agir.

Certains leviers cités dans le rapport pourraient être mobilisés rapidement, de façon différenciée selon les spécialités, afin de permettre une meilleure adaptation de la démographie médicale. L’individualisation de filières spécifiques supplémentaires à l’internat peut ainsi être envisagée, en se donnant toutefois des éléments de diagnostics plus précis pour orienter le choix des filières à créer. Ces filières ne doivent pas être simplement pensées en termes d’effectifs globaux mais méritent aussi d’être accompagnées d’outils permettant de remplir les postes souhaités car cette solution n’est pas efficace quand les difficultés sont liées à une asymétrie des modes d’exercice. Les complémentarités entre professionnels et de santé et la possibilité de passerelles entre spécialités permettant la réalisation d’un parcours professionnel sont également des facteurs d’adaptation qu’il convient d’étudier en tenant compte de la nécessité de garder au diagnostic médical toute sa place, en lien avec les autres professionnels, afin de continuer à privilégier la qualité et l’efficacité de la prise en charge des malades et de permettre le développement prévisible des actions de prévention médicale.

La longue période de croissance de la démographie médicale en France est un des éléments qui a permis de faire de notre système de santé un des meilleurs du monde. Mais la fin de cette période, qui était inéluctable, met ce système pluraliste, pour partie administré, pour partie libéral, face à de nouvelles contraintes. La mise en œuvre, désormais urgente, de politiques à la fois souples et déterminées doit permettre aujourd’hui de relever ce défi.

Sur la base des leviers identifiés dans ce rapport, il demeure à construire des scénarios d’action faisant la part des actions à court terme (au-delà du relèvement du numerus clausus) et des actions à moyens termes. La construction de ces scénarios doit être articulée avec les mesures de régulation de l’offre et les mesures de financement.